Philippe Ledent
Le triple danger de l’économie américaine
L’année risque d’être chahutée pour l’économie américaine. Il est plus que probable qu’elle passe par la case récession.
Avec la création nette de plus de 250.000 emplois en avril, le marché du travail américain semble toujours très bien se porter: les chiffres dépassent sans cesse les attentes et le taux de chômage reste collé à un plus bas historique (3,4%). Bref, en apparence, tout va bien. Il ne faut pourtant pas oublier que le marché du travail est un indicateur retardé du cycle économique.
De fait, en prenant un peu de recul, l’économie américaine montre un tout autre visage. C’est une économie qui ralentit fortement au point que la plupart des indicateurs du cycle économique américain (indicateur avancé du Conference Board, indice de la Fed de Philadelphie, indice de probabilité de récession de la Fed de New York, etc.) atteignent des niveaux qui, par le passé, ont uniquement été rencontrés en période de récession.
Toujours l’inflation
Ce n’est pas vraiment une surprise, sachant que l’économie américaine fait face à un triple danger. Tout d’abord, l’inflation atteint toujours quelque 5%. Heureusement, ce danger semble en passe d’être écarté puisque tout en étant encore élevée, l’inflation est clairement sur une pente descendante. Mais surtout, les anticipations sont maîtrisées. Autrement dit, les agents économiques restent convaincus que l’inflation reviendra, à terme, à un niveau proche de 2%. Or, cette conviction est un élément essentiel de la maîtrise de l’inflation.
La remontée brusque des taux
Il faut dire que la banque centrale américaine a sorti le grand jeu pour contrer le danger de l’inflation. Après un dernier relèvement début mai, le taux directeur de la Fed atteint 5,25%. Même si on reste loin des records historiques, il ne faut pas oublier qu’on part d’un niveau extrêmement bas et que le mouvement de hausse a été brutal. Ceci représente en fait le deuxième danger important pour l’économie américaine. Par exemple, le taux sur un crédit hypothécaire à 30 ans oscille entre 6,5% et 7%, de quoi sérieusement calmer l’activité du secteur de la construction et freiner la croissance des prix de l’immobilier. Il faudra aussi garder un œil sur le secteur de l’immobilier commercial, qui a profité abondamment des taux bas ces dernières années.
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On voit également que certains acteurs du secteur bancaire ont du mal à digérer les hausses de taux. Cela a déjà entraîné la chute de plusieurs banques régionales. Les pertes non réalisées mais aussi non actées dans les comptes d’autres banques américaines en raison de la remontée des taux (et donc de la perte de valeur des obligations en portefeuille) pourraient encore faire parler d’elles.
La dette
Enfin, on se doit d’évoquer un troisième danger pesant sur l’économie américaine, à savoir un non-accord (ou un accord tardif) pour le rehaussement du plafond de la dette américaine. Certes, la chanson est connue: le Congrès bataille ferme pour obtenir un accord, mais un an avant les élections présidentielles, les républicains ne feront aucun cadeau aux démocrates. In fine, un accord sera trouvé. Mais s’il arrive trop tard, les conséquences économiques de cette bataille politique peuvent se révéler désastreuses: la fermeture de certaines administrations et le risque d’un défaut sur la dette (il suffirait d’un seul payement de taux d’intérêt non effectué), ce qui entacherait une fois de plus la confiance vis-à-vis des obligations d’Etat américaines.
En conclusion, l’année risque d’être chahutée pour l’économie américaine et il est plus que probable qu’elle passe par la case récession. Son ampleur et son timing précis restent néanmoins incertains. Si tous les risques se matérialisent au même moment, le cocktail peut être détonant. Mais l’histoire montre heureusement que les tempêtes parfaites sont plutôt rares.
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