Amid Faljaoui
Le jeu subtil de la Commission européenne qui veut forcer les Chinois à fabriquer leurs voitures électriques sur le sol européen
Le parti MR a enfin désigné une candidate au poste de commissaire européen. C’est un choix qui coûte des points au MR, car, comme vous le savez, les postes de Premier ministre et de ministres valent chacun des points et le poste de commissaire européen vaut autant que celui d’un ministre fédéral.
Quand un parti belge désigne un commissaire européen, c’est un ministère en moins qu’il accepte de perdre en interne, dans la désignation du futur gouvernement. C’est la raison pour laquelle les partis flamands n’ont pas voulu proposer de commissaire à l’Europe, ils préfèrent focaliser leurs forces sur le gouvernement fédéral.
Dit comme cela, on pourrait croire que la Commission européenne ne sert pas à grand-chose, que c’est juste un lieu pour placer ses amis ou ses vieux soldats en fin de carrière. Ce serait injuste de le penser, et la preuve a encore été donnée fin de ce mois d’août. La Commission européenne joue en ce moment une partie très subtile avec la Chine pour éviter que celle-ci ne détruise complètement notre industrie automobile.
Mais d’abord, les faits : depuis que nos eurodéputés ont décidé – visiblement sans trop réfléchir – d’interdire la vente de voitures thermiques en Europe à partir de l’année 2035, nous assistons à une déferlante de voitures chinoises sur notre continent. Comme la Chine avait quelques longueurs d’avance sur nous sur le plan technologique et qu’en plus ses voitures sont subsidiées par l’État chinois, nos constructeurs automobiles européens sont à la peine. Ils n’arrivent pas à proposer des voitures électriques au même prix que les Chinois.
Bien entendu, l’Europe a fixé des droits de douane de 10%, mais ils ne suffisent pas. Bien entendu, l’Europe pourrait aller beaucoup plus loin, mais elle est freinée par l’Allemagne qui exporte beaucoup de voitures en Chine et à l’étranger, et qui a peur que si la rétorsion européenne est trop grande, la Chine réagisse en pénalisant surtout les exportations allemandes.
Donc, quelle est aujourd’hui la stratégie de la Commission européenne ? À court terme, elle utilise l’arme des droits de douane, mais seulement jusqu’à un certain point. En réalité, ce qu’elle veut, c’est forcer les Chinois à venir fabriquer en Europe pour éviter d’autres droits de douane plus importants encore.
Et cela marche, la Chine a déjà implanté des usines en Hongrie et en Espagne. Et ces usines ont effectivement des droits de douane nettement plus faibles. Autrement dit, la Commission européenne chercher à réindustrialiser notre vieille Europe pour stimuler l’emploi et peu lui importe si le fabricant de la voiture électrique en question est français, allemand ou chinois.
Cela me fait penser à la phrase de l’ancien premier ministre chinois Deng Xiao Ping : il disait que pour lui, peu importe que le chat soit gris ou noir, l’important, c’est qu’il attrape la souris. En résumé, la Commission européenne achète, à court terme, un peu de répit pour les constructeurs européens via ses droits de douane ; à eux à s’adapter durant ces deux ou trois ans. Mais à plus long terme, s’ils ne se sont pas adaptés, nos propres constructeurs automobiles subiront une concurrence encore plus féroce, car la Chine aura installé ses usines au sein même de l’Europe. À nous de jouer donc, et bravo à la Commission européenne pour ce jeu d’échecs subtil.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici