Rudy Aernoudt
Le “Green Deal” devient “Clean Deal”
La transformation du mot “vert” en “propre” est une (r)évolution de taille au sein des institutions européennes qui doivent rétablir l’équilibre entre écologie et industrie. La première commission von der Leyen ambitionnait que l’Europe devienne le continent le plus propre de la planète d’ici 2050. Les manifestants pour le climat étaient les héros, ceux qui voyageaient en avion et roulaient en diesel étaient pointés du doigt. Cette philosophie s’est traduite par une diarrhée législative et des exigences de reporting sans équivalent dans le monde.
Qui dit lois, dit rapports. La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est une directive européenne sur les rapports de développement durable. Obligatoire si deux des trois critères suivants sont remplis: entreprise dont le chiffre d’affaires est supérieur à 50 millions d’euros, dont le total du bilan est supérieur à 25 millions d’euros et employant 250 personnes ou plus. Ces entreprises doivent aussi se conformer aux normes européennes d’information sur le développement durable (ESRS), relatives aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et en rendre compte. Plus de 42.000 entreprises doivent donc partager des déclarations de durabilité basées sur 1.052 points de données, dont 783 sont obligatoires. Pour se conformer à ce rapport, ces sociétés doivent également collecter des données auprès de leurs fournisseurs et sont donc indirectement tenues de les conserver et de les communiquer.
Il existe une autre directive sur le devoir de diligence (CSDD) en matière de développement durable. Elle exige des entreprises qu’elles s’assurent que tous leurs fournisseurs respectent les droits de l’homme et les normes environnementales, partout dans le monde, et doivent en rendre compte chaque année. Cet enquête porte sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et en cas de violation, la responsabilité du conseil d’administration peut être invoquée.
La croissance européenne a été étouffée par l’excès de réglementation qui frappe son industrie.
Le rapport Draghi sur la compétitivité européenne estime le coût du reporting pour les sociétés cotées en Bourse à un million d’euros. Le CEA-PME, l’association faîtière des entreprises européennes, calcule le coût initial pour une entreprise française de taille moyenne à plus de 800.000 euros sur deux ans. Pour les PME, on parle d’au moins 10.000 euros. Une étude de la Banque européenne d’investissement estime que les coûts de conformité pour les entreprises de taille intermédiaire s’élèvent à un étonnant 12,5 % du volume total des investissements.
La croissance est étouffée par l’excès de réglementation qui frappe son industrie. Celle de l’Allemagne, moteur de l’économie européenne, est négative depuis deux années de suite. La décarbonation s’accompagne d’une désindustrialisation et Draghi tire la sonnette d’alarme. L’Europe doit choisir entre devenir un parc d’attraction vert mais complètement dépendant de pays comme la Chine ou changer son fusil d’épaule. Sous la pression de la CDU/CSU allemande, la deuxième option a été choisie.
Désormais, la CSRD ne s’appliquera qu’aux entreprises de plus de 1.000 employés. La CSDD ne doit être déclarée que tous les cinq ans et ne concernera que les partenaires commerciaux directs et non plus l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement. Les constructeurs automobiles bénéficieront de deux ans de plus pour la conversion aux voitures électriques.
Les associations environnementales rient jaune. Des enquêtes approfondies révèlent qu’elles ont été payées pour faire du lobbying en faveur du Green Deal. Le nouveau “Clean Deal” de la commission von der Leyen. II permet de trouver un nouvel équilibre entre industrie et écologie.
Lire aussi| La Belgique a enfin transposé la directive CSRD
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici