“Être un homme, ce n’est pas conquérir le monde. C’est le protéger”.
J’ai entendu cette phrase le weekend dernier sur TikTok.
Elle vient de Scott Galloway, professeur à la NYU Stern School of Business, entrepreneur et auteur à succès, et surtout… l’un des rares entrepreneurs américains à oser dire tout haut ce que la Silicon Valley pense tout bas. Dans cette vidéo, extraite d’une émission TV américaine, il parle d’Elon Musk. Et ce qu’il dit est assez franc et brutal. Il rappelle que l’Amérique – et par extension, nous tous – a fini par croire que l’innovation et l’argent effacent la morale.
Que construire des fusées ou des voitures électriques suffit à tout excuser : la démesure, la dépendance, les comportements toxiques. Scott Galloway explique qu’on a fait une erreur culturelle majeure : “Nous avons décidé que le génie remplaçait la bonté. Que la richesse rachetait la dépravation.”
Puis, il ajoute cette phrase que j’ai notée mot pour mot : “Le but de la prospérité, c’est de protéger les gens.”
Et là, grand silence dans le studio TV où a été prononcée cette phrase capitale. Parce que tout est dit en quelques mots. Forts, très forts. Notre époque célèbre ceux qui “disruptent”, mais méprise ceux qui prennent soin des autres.
Elle admire les visionnaires, mais ignore les vertueux.
Elle applaudit la réussite, mais se moque de la responsabilité.
Scott Galloway ne fait pas un procès à Musk. D’ailleurs, je rappelle qu’il n’est pas mû par une quelconque jalousie, vu qu’il a – lui aussi – très bien réussi dans les affaires.
Non, il dresse le portrait d’un monde qui s’est laissé hypnotiser : celui où un homme qui atterrit une fusée devient un héros, même s’il humilie ses proches ou manipule la politique.
Il dit que le vrai héritage de certains ne sera pas l’innovation, mais les dégâts : la maladie, la misère, les fractures sociales qu’ils auront amplifiées.
Et je crois qu’il a raison. Parce qu’à force de glorifier la puissance, on a oublié la décence. Parce qu’on confond trop souvent influence et inspiration. Et parce qu’on oublie que le progrès sans humanité, ce n’est plus du progrès. Alors oui, Elon Musk est un génie. Mais si le génie ne protège plus, il perd sa raison d’être.
La vraie question, c’est celle-ci : dans ce monde où l’argent fait le tri entre les héros et les monstres, qui reste encore du bon côté de l’histoire ? Scott Galloway rappelle que la vraie grandeur, ce n’est pas de faire atterrir une fusée. Mais c’est de tendre la main à ceux qui n’ont plus rien. Ce n’est pas de “disrupter le monde”. C’est de le réparer.
Et Scott Galloway conclut : “Ce n’est pas cela, être un innovateur. Ce n’est pas cela, être un Américain.
Et ce n’est certainement pas cela, être un homme.” Et donc, oui, ce weekend-là, sur TikTok, ce n’était pas un discours. C’était une gifle. Et peut-être la meilleure leçon de leadership moral qu’on puisse offrir à la génération qui vient.