Le fisc a faim et il a nos données

Amid Faljaoui

Vous connaissez le mot datamining ? Non ? Normal, ça sonne comme du jargon d’ingénieur. En fait, c’est simple : ça veut dire que le fisc va utiliser des algorithmes pour fouiller dans nos données financières et repérer les anomalies. L’idée, c’est quoi au juste  ?


On a déjà en Belgique un fichier central à la Banque nationale, le fameux PCC ou Point de contact central. Au début, il contenait juste nos comptes bancaires. Puis on a ajouté les comptes étrangers, les assurances-vie, les soldes bancaires. Et demain, ce sera encore plus large : comptes-titres, portefeuilles de cryptomonnaies, et même comptes de jeux en ligne au-delà de dix mille euros. Bref, l’État a désormais un scanner complet de notre patrimoine.

Avec le datamining, ce fichier va être croisé avec d’autres données. Exemple : si votre patrimoine double mais que vos revenus déclarés stagnent, votre dossier clignote en rouge. Et hop, alerte rouge !

Mais attention, le gouvernement fédéral nous rassure : ce sera par paliers. Les données sont d’abord pseudonymisées, c’est-à-dire sans noms. Un agent spécialisé regarde les signaux. Si ça semble sérieux, il transmet. Et seulement à la fin, un contrôleur pourra demander vos données réelles. Sur papier, c’est propre.

Pourquoi ces précautions ? Parce qu’au départ, le fisc devait avoir un accès beaucoup plus large. Mais le MR a dit non : il craignait que l’outil serve à contrôler tous les indépendants, ou tous ceux qui déduisent des frais réels. Du coup, compromis : oui au datamining, mais sous conditions.

A LIRE: Fraude: vers une surveillance financière généralisée en Belgique ?

Alors, ce data mining sera-t-il efficace ou pas ?
C’est la vraie question. Parce qu’on connaît les projets informatiques de l’État : ça coûte cher, et ça marche rarement comme prévu. Et puis, un algorithme, ça peut se tromper. Des faux positifs, il y en aura. Des contribuables honnêtes convoqués juste parce qu’ils ont touché un héritage, vendu une maison ou gagné un peu trop d’argent en Bourse.

Et surtout : est-ce que ça va viser les gros fraudeurs, ceux qui jonglent avec des sociétés boîtes aux lettres et des montages internationaux ? Ou bien est-ce qu’on va surtout attraper les petits poissons, plus faciles à contrôler ?

Enfin, il y a la question des libertés. Plus on alimente ce fichier central, plus l’État voit clair dans nos poches. Je rappelle qu’en France, on teste déjà l’IA pour analyser nos photos sur les réseaux sociaux. Aux Pays-Bas, un système automatique a accusé à tort des milliers de familles d’avoir fraudé sur des allocations familiales et provoqué un scandale politique.

Alors voilà : le fisc belge se dote d’un microscope numérique dont quasi personne ne parle à part la presse économique. Mais le danger, c’est que l’Etat se dote d’un microscope qui ne fait pas la différence entre un gros fraudeur… et une simple algue coincée dans la passoire. Bonne nouvelle pour lutter contre la fraude fiscale ou danger pour notre vie privée ?

Lire plus de:

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire