Le corbeau européen et le renard chinois
Les Européens se révoltent contre la Chine. Ou ils font en tout cas semblant. Et ils sont même partis à deux pour le dire.
Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne et Charles Michel, le président du conseil, ont été reçus ce jeudi par le président chinois. Et lors de cet entretien, ils avaient la ferme intention de lui dire que ça suffit ! Que l’Europe est trop gentille et trop patiente. Mais aussi qu’elle en a marre d’être vue comme une passoire pour les marchandises de la Chine. D’autant plus que les leurs font face à une véritable muraille de Chine. Les entreprises européennes n’arrivent effectivement pas à pénétrer le marché chinois. Un seul chiffre résume à lui seul ce déséquilibre commercial. Le déficit commercial rien qu’avec la Chine s’élève à 400 milliards d’euros. Normal, puisque les exportations chinoises sont trois fois plus importantes que dans le sens inverse. Sur trois conteneurs qui vont de la Chine vers l’Europe, deux d’entre eux repartent à vide.
Ursula von der Leyen et Charles Michel on fait savoir que, ça, ce n’était plus tenable. Un discours pas vraiment neuf, mais qui semble par avoir été entendu, et encore moins écouté, par les dirigeants chinois. Cette fois-ci pourtant, la Chine risque d’un peu plus prêter l’oreille aux critiques européennes. Pour la simple raison que la Chine n’est pas au mieux de sa forme. Elle souffre d’une importante crise immobilière et d’une chute de sa consommation interne. Elle a donc besoin d’un marché européen ouvert pour se refaire une santé. Une ouverture dont elle profite déjà allégrement en déversant ses surplus qu’elle n’arrive plus à écouler en Chine à cause du ralentissement de la consommation interne. On le voit avec les voitures électriques. Il y a plus d’une centaine de constructeurs automobiles en Chine. La plupart ne sont pas rentables et cherchent à inonder notre vieux continent de voitures électriques moins chères. Ils ont pour cela reçu un bon coup de pouce de nos eurodéputés lorsqu’ils ont décidé d’interdire la vente de voitures thermiques à partir de 2035. Mais voilà, les classes populaires n’ont pas les moyens de payer deux fois le prix de leur voiture sous prétexte qu’elle est électrique. Et ils ne peuvent pas non plus se passer de moyen de transport. Ces marques de voitures électriques inconnues sont donc une aubaine et redonnent du pouvoir d’achat. Et c’est aussi là l’illustration de toute la difficulté de l’exercice. Si les dirigeants européens peuvent se fâcher sur les Chinois, ils ne peuvent pas claquer la porte. Il est impossible de se passer de la Chine puisqu’une bonne partie de ces produits ne peuvent pas être fabriqués sur le territoire européen. Les Chinois permettent également de faire baisser les prix et donc soutenir le pouvoir d’achat des Européens. Sans parler du fait que nous avons encore besoin des investissements chinois. Notamment ceux des fabricants de batteries, si précieux pour nos fameuses voitures électriques. Tout cela fait que ce haussement de ton de l’Europe tient beaucoup de la commedia del arte. Ce rapport de force surjoué entre la Chine et l’Europe fait penser à une fable Jean de la Fontaine. Une fable ou l’Europe serait le corbeau et la Chine le renard. Je pense que nos deux présidents de l’Europe vont, à l’exception de quelques déclarations solennelles, revenir bredouilles de leur rendez-vous. Après tout, il faut bien flatter la vache avant de la traire.
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