Ce n’est un secret pour personne, Trump voudrait avoir le contrôle de la Fed. Dans son idée, cela lui permettrait d’imposer à l’institution une baisse massive des taux d’intérêt (on parle de 200 à 300 points de base), pour donner un coup de fouet à l’économie américaine. Mais pour le reste, ses intentions sont assez floues. La Banque centrale américaine est également émettrice de la monnaie la plus importante au monde : le dollar. Pour Trump, contrôler la Fed, cela signifie probablement déprécier le dollar par rapport aux autres devises, et peut-être même garantir un financement sans limite de la dette américaine. Enfin, on imagine quelque chose comme cela…
Comment contrôler la Fed ? Cela demande quelques explications. La Fed est dirigée par un Board of Governors composé de sept membres. Ils sont nommés pour un mandat de 14 ans (!) par le président des États-Unis avec le consentement du Sénat. Mais ce n’est pas tout. La Fed a également 12 entités “régionales” dont les présidents sont nommés par le comité de direction de chaque entité, mais doivent être approuvés par le Board of Governors. Par ailleurs, ce même Board doit régulièrement statuer sur la reconduction ou non du mandat des présidents régionaux. Or, et c’est là que cela se corse, le prochain vote (qui historiquement est plutôt une formalité) aura lieu en février prochain.
L’idée de Trump est donc que s’il obtient une majorité auprès du Board of Governors (4 des 7 membres), il pourra indirectement virer les présidents régionaux lors du vote de février et les remplacer par des personnes qui lui sont inféodées. Et c’est très important, car les décisions de politique monétaire sont prises par un comité de 12 personnes (le FOMC) : les sept membres du Board of Governors, le président de la Fed de New York et quatre autres présidents de Fed régionales (selon un système de rotations). Bref, obtenir quatre personnes à sa solde dans le Board of Governors pourrait lui permettre d’en imposer d’autres jusqu’à l’obtention d’une majorité au FOMC. Et alors… À lui les taux, la monnaie, l’or et tout le reste !
Où en est-il ? A priori, deux membres du board lui sont déjà fidèles : Michelle Bowman (qui est aussi vice-présidente de la Fed pour les matières de supervision financière) et Christopher Waller. Suite à la démission d’un autre membre, Trump a pu nommer Stephen Miran. Et de trois ! S’il parvient à virer Lisa Cook (l’affaire est en cours devant les tribunaux) et nommer son autre fidèle lieutenant, Scott Bessent, ce serait théoriquement gagné.
La Fed est attaquée, mais elle résiste… pour l’instant.
Mais attention aux apparences, les mots sont importants : fidèle ne veut pas dire inféodé. Et justement, la dernière réunion de politique monétaire de la Fed a permis de faire un premier test. En effet, tous les trimestres, les membres du board ET tous les présidents régionaux sont amenés à se prononcer, en âme et conscience, et de manière anonyme, sur leur vision personnelle du niveau recommandé des taux. Cela donne l’un des graphiques les plus connus dans les marchés financiers, le fameux “dot plot” (graphique à points). Même si les prévisions sont anonymes, on reconnaît Stephen Miran sur le graphique. En effet, 18 des 19 répondants attendent un taux de 3,75% ou plus en fin d’année. Le dernier attend 2,75%, ce qui correspondrait en gros à deux fois plus de baisses de taux que celles attendues par les autres.
Que faut-il en conclure ? Primo, Stephen Miran est devenu le porte-parole de Trump à la Fed. Mais secundo, si Bowan et Waller sont des “alliés” de Trump, ils gardent leur indépendance et ne se rallient pas, même en partie, à la cause excessive de Miran. Cela pourrait aussi faire la différence en février prochain. Bref, l’institution est attaquée, mais elle résiste… pour l’instant.