Amid Faljaoui

Le camion autonome… avec chauffeur !

Vous savez, parfois, les annonces technologiques ressemblent à des numéros de magie. On vous montre une main, pendant que l’autre fait le vrai tour, discrètement.

Prenez Aurora, par exemple. Une start-up américaine spécialisée dans les camions autonomes. Elle vient de lancer un service commercial entre Dallas et Houston. Et la promesse, c’était spectaculaire : “There’s nobody in the truck.” Il n’y a personne dans le camion. Pas de chauffeur, pas de volant entre les mains. Juste un ordinateur, des capteurs et une intelligence artificielle aux commandes.

Et l’intérêt économique, il est évident : pas de pauses, pas de fatigue, pas de congés, pas de syndicats, pas de grève. Une machine qui livre jour et nuit, sans rechigner. Le rêve logistique ultime des sociétés de transport.

Mais voilà. Quelques semaines à peine après cette annonce triomphante, Aurora a discrètement précisé que… eh bien, en fait, il y aura quand même un humain à bord. À la demande du constructeur du camion, PACCAR, un observateur devra s’asseoir à l’avant. Pas pour conduire, non. Juste pour surveiller. Parce que certaines pièces sont encore en phase prototype, paraît-il. En réalité, l’humain était déjà à l’arrière du camion, et le voilà maintenant à l’avant. Techniquement, le camion est toujours “autonome”. Mais dans les faits, c’est un peu moins impressionnant, car à quoi bon parler de camion “autonome” si c’est quand même pour payer un humain à surveiller ?

Et Aurora n’est pas une exception. Tesla, pour ses robotaxis à Austin, a aussi placé des “moniteurs de sécurité” sur le siège passager. Baidu, en Chine, utilise des opérateurs à distance. Même Waymo, le grand nom des voitures autonomes, garde des humains prêts à intervenir si la voiture a un souci.

Alors forcément, on s’interroge à nouveau : si ces véhicules sont censés être plus sûrs que les humains, pourquoi faut-il encore des humains pour les surveiller ?

La réponse est simple : parce que la route, c’est le chaos. Des travaux qui apparaissent sans prévenir, des policiers qui font des signes qu’on ne comprend pas, des cyclistes qui déboulent, des piétons imprévisibles… Bref, un monde vivant, mouvant, plein d’exceptions et de petits imprévus que la machine a encore du mal à interpréter. L’IA est bonne dans le prévisible. Mais dans l’imprévisible, l’humain reste roi.

Et là, une autre question se pose : est-ce que ça veut dire que l’IA ne va pas remplacer les humains dans d’autres domaines non plus ? Je pose la question parce que récemment, le patron de Ford a annoncé que 50 % des emplois de col blanc allaient devenir obsolètes avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. Pas dans dix ans, mais très bientôt.

Alors est-ce qu’on compare des choses différentes ? Oui, clairement.

Conduire un camion, c’est du monde physique : il faut des capteurs, des réflexes, des décisions en temps réel. Automatiser cela, c’est complexe. En revanche, faire un résumé d’un texte, écrire un mail, classer des documents… Cela, l’IA sait déjà très bien le faire. Et elle va le faire de plus en plus vite.

Mais attention : ce n’est pas parce qu’une tâche est automatisable qu’un emploi disparaît aussitôt. Entre la théorie technologique et la réalité économique, il y a toujours un écart. Il faut du temps. Il faut de l’acceptation. Je vois mal comment les entreprises du monde entier vont licencier du jour au lendemain 50% de leurs cols blancs ?

Et c’est là que je vous propose une note un peu plus optimiste.

Parce qu’au fond, ce que l’on voit avec ces camions pas si autonomes que cela, c’est peut-être ce qui va se passer ailleurs aussi : on ne va pas supprimer l’humain, on va le repositionner. Moins dans l’exécution, plus dans la supervision. Moins dans le contrôle, plus dans la coordination. L’IA ne nous remplace pas, elle nous oblige à changer de rôle.

Et cela, ce n’est pas une mauvaise nouvelle. C’est même, pour beaucoup, une chance de remettre du sens dans leur métier. Et les jeunes générations y sont très sensibles.

Alors oui, l’IA va bousculer le monde du travail. Mais cela ne sera pas une disparition. Cela sera une mutation. Et dans cette mutation, il y aura encore besoin d’intelligence… humaine. Enfin, on l’espère !

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