Qu’on aime ou pas les agences de notation, leur appréciation du risque de crédit que représente une entité (État, institution publique ou entreprise) reste très importante. Les ratings ne sont d’ailleurs pas donnés à la légère. Ils sont basés sur une analyse globale de l’entité, des modèles de risque poussés et, dans le cas des États, sur un large éventail d’avis et d’analyses de ceux et celles qui étudient le pays en question.
Début octobre, Moody’s a maintenu sa note de Aa3 pour la Belgique en tant qu’émetteur de dette à long terme. C’était presque une surprise, compte tenu de l’état actuel des finances publiques belges. Mais le communiqué de Moody’s ne se limite pas à une vision comptable des finances publiques. Il résume bien la situation de l’économie belge, de manière objective, et finalement très pondérée.
Tout d’abord, le constat dressé des difficultés rencontrées par la Belgique est bien connu : taux d’emploi et de participation au marché du travail trop faible, finances publiques dégradées, charges supplémentaires dans le futur, notamment liées au vieillissement de la population, et trop grande complexité dans la gouvernance du pays : Moody’s parle de “country’s complex regional divides” pour rappeler ce que nous désignons plus crûment par la “lasagne institutionnelle”.
Par contre, l’agence de notation souligne le caractère “diversifié, riche et innovant de l’économie belge”, tiré notamment “de sa position géographique au cœur de l’Europe de l’Ouest”. C’est manifestement un élément déterminant dans sa décision de maintenir la note inchangée. L’agence poursuit en notant que la Belgique a “démontré une résilience plus forte que prévue aux chocs économiques”. Oui, on parle bien de la Belgique, ce pays pour lequel les tensions, les difficultés et les choses qui ne vont pas sont bien plus relayées que ses forces.
Moody’s a pourtant raison : la Belgique ne sera probablement jamais championne du monde de football, mais elle abrite de nombreuses entreprises championnes mondiales dans leur domaine. Ces champions de l’ombre et tous les autres font que, en combinaison avec un système redistributif très large, l’économie belge reste une économie produisant un niveau de bien-être très élevé et un niveau d’inégalités plus faible que la plupart des économies développées.
Moody’s a raison : la Belgique abrite de nombreuses entreprises championnes mondiales dans leur domaine.
Mais voilà, il suffit que le contexte économique global s’assombrisse un peu, que les paramètres démographiques et géopolitiques changent et que l’inefficience gagne du terrain dans la gestion publique pour gripper cette belle mécanique. Une mise à jour s’impose donc, et c’est ce que souligne également Moody’s. Elle note cependant que le gouvernement fédéral a mis les réformes structurelles au cœur de son programme pour faire face aux défis de l’emploi trop faible, du vieillissement de la population et des déficits importants. C’est un autre élément clé qui a fait pencher la balance vers un statu quo de la note et non vers une dégradation de celle-ci.
En même temps, Moody’s prévient qu’elle pourrait “abaisser la note s’il fallait conclure que le gouvernement est incapable d’implémenter des mesures permettant de stabiliser la trajectoire de la dette”. À l’heure où vous lisez ces lignes, le gouvernement a déjà ou s’apprête à dévoiler sa nouvelle trajectoire budgétaire… ou bien à entrer en crise. On saura donc très vite si le gouvernement méritait que Moody’s lui accorde le bénéfice du doute. On saura aussi très bientôt si S&P tire les mêmes conclusions… Leur mise à jour du rating est prévue ce vendredi 24 octobre.