Amid Faljaoui

L’art d’apprendre avant d’entreprendre : les trois leçons de Jeff Bezos

Jeff Bezos a beau avoir quitté la direction d’Amazon, il continue de donner des leçons de business comme d’autres offrent des masterclass. Lors de l’Italian Tech Week à Turin, il est apparu détendu, souriant, presque intimidé : “je deviens tout fébrile en présence d’entrepreneurs”, a-t-il lancé avec ce mélange de fausse modestie et de sincérité calculée qu’on lui connaît.

Mais très vite, le fondateur d’Amazon est redevenu professeur Bezos. Et sa première leçon va à contre-courant du mythe californien : ne vous lancez pas trop tôt.

Le mythe du “drop-out”, celui du petit génie qui quitte plus tôt l’université pour créer une start-up, reste une légende dorée de la Silicon Valley. Bezos la démonte calmement : “On cite toujours Bill Gates ou Mark Zuckerberg, mais ce sont des exceptions.”

Son message est simple : avant de créer, formez-vous. Allez voir comment fonctionnent les grandes entreprises, comment elles organisent leurs équipes, gèrent leurs projets, affrontent leurs erreurs. Vous y apprendrez la rigueur, la méthode, la patience, ces vertus que l’enthousiasme des vingt ans ignore souvent.

Bezos, lui, a travaillé une décennie à Wall Street avant de fonder Amazon à 30 ans. Dix ans passés à comprendre la mécanique des marchés, à observer les chefs d’entreprise, à maîtriser les chiffres. “Ces dix années m’ont donné de meilleures chances de succès”, dit-il. L’expérience, chez lui, n’a pas tué l’audace : elle l’a canalisée.

Deuxième leçon : être têtu sur la vision, mais flexible sur les détails.

C’est, dit-il, la différence entre un capitaine et un dictateur. Un bon entrepreneur sait où il veut aller – c’est la vision – mais accepte d’adapter la route en fonction des vents, des courants, des faits.

Bezos raconte qu’un de ses premiers collaborateurs, Jeff Wilke, lui a un jour confié : “Tu as assez d’idées par jour pour détruire Amazon chaque semaine.” Message compris, il lui fallait donc apprendre à ralentir, à laisser l’organisation respirer, à canaliser ses idées.

Autrement dit : une vision, ce n’est pas une rafale d’idées, c’est un fil conducteur. Les entrepreneurs qui réussissent sont ceux qui savent distinguer ce qui est essentiel (la mission) de ce qui est négociable (la manière d’y arriver). Les plus intelligents changent souvent d’avis sans jamais trahir leur cap.

Troisième leçon, plus philosophique : l’optimisme comme moteur.

“Les entrepreneurs doivent être optimistes, presque jusqu’à l’illusion”, affirme-t-il. Une phrase qui résume sa philosophie : voir plus loin, même quand les chiffres semblent vous donner tort.

Bezos se souvient de la bulle internet : l’action Amazon s’effondrait, mais les indicateurs internes (clients, commandes, fidélité), eux, grimpaient. La Bourse paniquait, l’entreprise, elle, progressait. La morale ? Ne confondez jamais la valeur perçue et la valeur réelle.

Sur l’intelligence artificielle, son regard est lucide. Oui, il y a une euphorie excessive en ce moment en Bourse : “Les bonnes et les mauvaises idées sont financées en même temps.”  Mais pour lui, cette période d’agitation est normale et même féconde. C’est dans ce chaos que naissent les révolutions.

Et bien sûr, il ne peut s’empêcher d’évoquer son autre rêve : l’espace. Avec Blue Origin, il imagine déjà des data centers orbitaux, alimentés par une énergie solaire permanente, sans nuages ni intempéries. L’idée semble folle, mais elle traduit son credo : l’avenir appartient à ceux qui ne voient pas les contraintes, mais des problèmes à résoudre.

Pour conclure, Bezos s’adresse à tous ceux que l’avenir inquiète  “Nous aurons toujours un sens dans nos vies.” Une phrase simple, presque douce, qui rappelle que l’entrepreneuriat, chez Bezos, n’est pas qu’une affaire de profits ou de technologie. C’est une école de patience, d’observation et de foi dans le progrès. Avant de changer le monde, dit-il en substance, commencez par apprendre à le comprendre.

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