Amid Faljaoui
L’ameublement, victime collatérale de la crise immobilière ?
Y en a marre. C’est à peu près l’état d’esprit qui prévaut chez pas mal d’économistes et de CEO en Europe en ce moment. Mais marre de quoi ? Du fait que la Banque centrale européenne (BCE) ne veut pas baisser ses taux.
L’inflation a beau avoir décru de plus de la moitié, elle a beau continuer son reflux mois après mois, il n’y a rien à faire, la BCE reste têtue. Sa direction estime qu’elle n’est pas encore à 100% certaine que l’inflation a durablement baissé et donc elle maintient ses taux d’intérêt au niveau actuel.
Vous me direz que nos amis Américains n’ont pas non plus baissé leur taux d’intérêt et qu’ils ne le feront sans doute pas avant juin. Oui mais comparaison n’est pas raison. Motif ? Les Américains sont en plein emploi et ont enregistré une jolie croissance l’an dernier de 2,5% ! Résultat : ils peuvent se permettre d’attendre de voir si l’inflation est bien vaincue ou pas. En revanche, en Europe, nous avons de peu frôlé la récession avec une croissance en 2023 d’à peine… 0,5% ! Rien donc. Et l’Allemagne qui est la première puissance économique de la zone euro est en récession, légère mais en récession. La question revient donc, qu’attend la BCE pour enfin baisser ses taux ?
Il n’y a pas que les économistes ou les CEO qui attendent cette baisse, Jean-Laurent Bonnafé, le patron de BNP Paribas au niveau mondial, pense la même chose. Que vient-il de dire la semaine dernière lorsqu’il a dévoilé ses résultats ? Je le cite : “plus la BCE attendra longtemps pour baisser les taux, plus la morsure sur l’économie sera importante”. D’ailleurs, il n’y a qu’à regarder le secteur de l’immobilier pour constater que ce dernier souffre un peu partout dans le monde. Et chez nous, en Belgique, l’immobilier va mal en partie aussi parce que la demande des ménages n’est plus là. N’oublions pas que lorsque les taux d’intérêt augmentent de 1%, la mensualité des ménages augmente de 10%.
Au demeurant, le patron de BNP Paribas estime que pour que le marché immobilier redémarre, il faudrait une baisse de 20% ! Il visait le marché français, mais c’est à peu près la même chose pour la Belgique. Et lorsque des promoteurs font faillite ou sont en mode pause, c’est autant de logements neufs qui ne voient pas le jour. Autrement dit, cela signifie que les prix de l’immobilier ne baisseront pas même si les taux d’intérêt baissent car l’offre de logement restera trop faible. Conclusion logique, tout le monde voudra s’arracher les biens immobiliers encore disponibles et les prix ne baisseront pas, laissant une partie de la population hors du rêve de la propriété.
En attendant, le marasme du secteur immobilier impacte aussi d’autres secteurs. Ainsi, il n’est pas exagéré de dire aujourd’hui que le meuble est la victime collatérale de la crise de l’immobilier. En effet, un changement de logement est souvent un déclencheur d’achat important. Notamment pour les cuisines ou les salles de bain. Si vous cherchez les raisons des difficultés de marques d’ameublement comme Maisons du Monde ou Habitat, ne cherchez plus, vous avez une partie de l’explication. Et si vous vous demandez comment une maison centenaire comme Vastiau-Godeau située aux abords de Bruxelles a fait faillite, c’est aussi en partie à cause de ce que je viens de vous expliquer. Ce n’est pas la raison principale, mais c’est la goutte qui a fait déborder le vase.
Dès lors, lorsque le patron de BNP Paribas nous parle de morsure, ce n’est pas une métaphore, il décrit juste l’actualité. A force de vouloir faire cavalier seul, la Banque centrale européenne devrait se souvenir de ce que disait l’écrivain Paul Valéry, “un homme seul est toujours en mauvaise compagnie”. z
Si vous cherchez les raisons des difficultés de marques d’ameublement comme Maisons du Monde ou Habitat, ne cherchez plus, vous avez une partie de l’explication.
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