Bruno Colmant

L’amertume d’une fin de législature

Bruno Colmant Economiste. Professeur à la Vlerick School, l’ULB et l'UCL.

À un an des élections, il est indéniable que le gouvernement belge semble actuellement se consumer à l’image d’une bougie en fin de vie, un tableau qui suscite des interrogations.

En effet, ne serait-ce pas le signe que le pays, sous l’influence de forces politiques centrifuges, perd son cap, symptôme d’une société exténuée ? Cette dépression morale semble marquer la fin d’un modèle qui a dilapidé ses espoirs dans un consumérisme effréné et face à des inégalités sociales toujours plus prononcées.

À une autre époque, une telle situation aurait pu mener à une explosion sociale. Aujourd’hui, une forme de résignation semble avoir engourdi le corps social. Cette cohésion sociale est également sérieusement mise à mal par une anxiété amplifiée par notre insatiable besoin d’accumulation, alimenté par notre peur de l’avenir.

Toute la société semble engluée dans une inquiétude omniprésente, qui cherche à exorciser, à travers la satisfaction immédiate, son incapacité à envisager le futur. Tout cela mène à une résignation palpable. Notre pays manque de respiration, de calme, de compréhension. Il manque d’un projet de société, de vérité — en particulier sur la dualité de notre société et de la pauvreté intolérable, tant pour ceux qui la subissent que pour ceux qui ferment les yeux sur elle. Il manque de vision à long terme, de femmes et d’hommes d’État calmes et érudits, de citoyenneté, de démocratie.

Malgré tout, je reste convaincu que le renouveau indispensable passera par la revitalisation du débat démocratique au sein des différents parlements. C’est là, et nulle part ailleurs que l’orientation politique trouve sa légitimité. Cette expression démocratique, respectée et véritablement vécue, pourra s’appuyer sur l’engagement de nombreux citoyens, lui-même soutenu par les expertises remarquables qui existent au sein du Royaume.

Je suis souvent amené à relire cette phrase de « Souvenirs » d’Alexis de Tocqueville, prononcée en 1848 : « Est-ce que vous ne ressentez pas, par une sorte d’intuition instinctive qui ne peut pas s’analyser, mais qui est certaine, que le sol tremble de nouveau en Europe ? Eh bien ! ma conviction profonde et arrêtée, c’est que les mœurs publiques se dégradent ; c’est que la dégradation des mœurs publiques vous amènera dans un temps court, prochain peut-être, à des révolutions nouvelles. »

Mais plutôt qu’à une révolution, je crois à la confiance qui propulsera notre pays vers un avenir meilleur.

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