Philippe Ledent
La résilience de l’économie américaine peut-elle durer?
La résilience a ses limites, qu’un énième plan de relance ne viendra pas repousser. Les Républicains ne feront pas ce cadeau au candidat Biden.
Comme à son habitude, l’économie américaine a mieux rebondi que celle de la zone euro après le covid: l’impact sur l’activité des confinements y a été moindre, et la phase de croissance de 2021 y a été plus vigoureuse. Ensuite, malgré un petit passage à vide durant la première moitié de 2022, la success story de l’économie américaine s’est poursuivie, et ce malgré l’énorme vague d’inflation.
Il est vrai que la zone euro a davantage été affectée par la guerre en Ukraine, notamment au niveau des prix de l’énergie, ce qui constitue un lourd handicap pour l’industrie. Au final, au deuxième trimestre de cette année (les données du troisième trimestre seront publiées très prochainement), le PIB américain était, en volume, 6% plus élevé qu’au dernier trimestre de 2019. En zone euro, la progression du PIB est moitié moindre…
Les meilleurs indicateurs cycliques signalaient une zone de turbulence.
Pourtant, on annonçait une année en demi-teinte pour les Etats-Unis: la perte de pouvoir d’achat liée à l’inflation, la politique monétaire restrictive rendant le financement de l’économie plus cher et un contexte économique mondial moins porteur risquaient en effet de mener l’économie américaine vers une récession. D’ailleurs, les meilleurs indicateurs cycliques des Etats-Unis signalaient clairement une zone de turbulence.
Deux facteurs ont néanmoins contribué à soutenir l’activité. D’abord, la dépense publique, qui reste un moteur important d’activité. En effet, les différents plans de relance de l’administration Biden produisent leurs effets sur l’activité, soit directement via les dépenses, soit indirectement en donnant des avantages compétitifs aux entreprises américaines.
Rappelons ici que selon le FMI, alors que le déficit public américain avait été “réduit” à 3,7% du PIB en 2022, il devrait dépasser les 8% du PIB cette année et, à politique inchangée, devrait rester supérieur à 5% dans les prochaines années. Cela correspond à une sacrée dose de relance pour l’économie.
Le risque d’un net ralentissement, voire d’une récession, n’est pas écarté.
Ensuite, la consommation des ménages reste dynamique. Il faut dire qu’elle est soutenue tant par un marché du travail toujours solide que par l’utilisation par les ménages américains de l’épargne accumulée durant les confinements. Bref, l’économie américaine est bien plus résiliente qu’anticipé. Mais il ne faudrait pas en déduire que le risque d’un net ralentissement, voire d’une récession, est écarté.
Primo, les effets de la hausse des taux courts et surtout des taux longs (le taux américain à 10 ans a encore progressé de plus de 40 points de base depuis le 10 octobre) doivent encore se faire sentir. Il faut se rendre compte que le taux pour un emprunt hypothécaire à 30 ans à taux fixe flirte avec les 8%. Pour un crédit auto, il faudra compter plus de 8% d’intérêt.
Et que dire des taux sur les cartes de crédit, très utilisées aux Etats-Unis, qui dépassent… 22%! Au-delà d’éventuels accidents financiers, comment imaginer que de tels niveaux resteraient sans conséquences majeures sur l’économie, et sur la consommation des ménages en particulier?
Secundo, si l’épargne accumulée durant les confinements a permis un “excès” de consommation des ménages par rapport à l’évolution de leurs revenus, un tel phénomène ne peut être que passager. Or, différents indicateurs montrent que la réserve d’épargne est bel et bien épuisée. Tertio, les ménages ayant un emprunt étudiant ont recommencé à le payer en septembre car le moratoire de trois ans décrété durant le covid a pris fin.
En conclusion, ces éléments devraient constituer un choc négatif pour la consommation et pour l’économie dans son ensemble. La résilience a donc ses limites, qu’un énième plan de relance ne viendra pas repousser: les Républicains ne feront pas ce cadeau au candidat Biden un an avant l’élection présidentielle.
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