Eddy Caekelberghs
La Pologne, prochain objectif de Wagner?
Un point de recrutement de mercenaires Wagner s’est ouvert en Biélorussie. Pour l’Afrique, dit-on. Et si c’était pour le voisin polonais?
Je vous écris d’Augustów, entre Pologne et Biélorussie. Non loin du corridor de Suwalki, près de la Lituanie. Parce que j’ai voulu entendre ce que les gens y disent de Wagner. Pas Richard, non : le groupe d’Evgueni Prigojine. Prigojine est en Biélorussie. Ses troupes y ont assez rapidement pris possession de camps aménagés rien que pour eux.
C’est attesté par le président biélorusse, les images satellites et les photos, vidéos et témoignages montrant les colonnes d’engins que les soldats « Wagner » utilisent pour se rendre vers les zones qui leur sont réservées.
Poutine a reçu le président biélorusse Loukachenko fin juillet à Saint-Pétersbourg pour la première fois depuis qu’il est intervenu dans l’épisode improprement qualifié de « putsch ». Rappelons : ce qui a motivé et motive l’oligarque Prigojine, c’est son empire financier, pas la politique à proprement parler. Au mieux, son ennemi désigné : la hiérarchie militaire russe avec, en tête, le ministre de la Défense Choïgou (en fait très discrédité en Russie même). Prigojine a donc « écouté » Loukachenko, « rencontré » Poutine et rejoint ses troupes dans le centre de la Biélorussie, comme l’a confirmé Loukachenko devant les caméras.
Oui, on parle “d’écolage” de forces spéciales en Biélorussie.
Mais Poutine a besoin de sa milice, en Afrique notamment. Washington le sait et sanctionne d’ailleurs le ministre malien de la Défense pour l’aide apportée à Wagner dans le pillage des ressources maliennes ! Même son de cloche à Londres. Sans compter le coup d’Etat au Niger où des éléments en appellent à … Wagner ! Par ailleurs, un point de recrutement Wagner s’est ouvert en Biélorussie. Pour l’Afrique, dit-on. Mais on le craint aussi à Augustów !
Oui, Wagner a cédé de l’armement à l’armée « officielle » russe. Oui, on parle « d’écolage » de forces spéciales en Biélorussie. Mais que peut-on bien faire de plusieurs dizaines de milliers de mercenaires et de leur chef encombrant à quelques encâblures de Minsk ? Avant même toute stratégie en Syrie ou en Afrique ? Eh bien, on peut agiter la « menace Wagner »… Et cela alimente la tension aux frontières de l’Otan.
Prigojine ne veut plus du terrain ukrainien ? Moscou ne l’y veut plus ? Certains songent que la Biélorussie et son président, fidèle vassal de Moscou, pourraient représenter un nouveau front, une nouvelle menace envers l’Otan si les choses tournaient mal pour l’armée russe en Ukraine. Pour « preuve » ? Loukachenko déclare que « Wagner demande à aller vers l’ouest (…), à Varsovie, Rzeszów…». Mais il les « garde dans le centre de la Biélorussie».
Le Premier ministre polonais Morawiecki affirme, lui, qu’une centaine de « Wagnériens » déguisés en garde-frontières biélorusses avancent vers Suwalki et la frontière de l’Union européenne et de l’Otan, notamment pour aider à infiltrer des migrants illégaux en Pologne. Il en reparlé avec le président lituanien. Objectif ? La menace Wagner à leurs frontières ainsi que dans le corridor russe Suwalki, situé à la frontière entre les deux pays.
Attaque hybride ? Cinquième colonne ? Pure rhétorique ? Peut-être. Mais avec Wagner, comme un vautour, qui plane dans le ciel de Suwalki, le ministre polonais de la Défense, Mariusz Blaszczak, a annoncé la formation prochaine d’un bataillon de sapeurs-mineurs pour renforcer son flanc est.
A Augustów, ville voisine du corridor de Suwalki, il a assuré que les forces polonaises et alliées s’entraînaient « côte à côte » dans « un lieu important du point de vue stratégique pour assurer la sécurité de la Pologne et de tout le flanc oriental de l’Otan ». La guerre des mots, la guerre tout court. A Augustów. Sur un air de Wagner. Au crépuscule des dieux… guerriers !
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