Amid Faljaoui

La messe de Notre-Dame de Paris et le déclin européen

Il y a parfois des photos ou des vidéos qui en disent plus sur l’état d’un pays ou d’un continent que de longs discours. La vidéo qui m’a marqué est liée à Donald Trump. On le voit assis au premier rang à gauche pour la réouverture officielle de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Grand, bourru et massif, Donald Trump ne voit pas que plusieurs ministres français, dont Rachida Dati, mais aussi Michel Barnier, le Premier ministre sortant, sont en train de le regarder du coin de l’œil comme une bête de foire ou plutôt comme des gamins voyant de près une vedette internationale.

En réalité, ce que ces politiques français ont surtout vu, c’est leur propre impuissance. La raison ? Ils sont démissionnaires alors que Donald Trump tout en n’étant pas encore à la Maison-Blanche, étant donné que son intronisation aura lieu le 20 janvier prochain, impose déjà son agenda politique et économique au monde entier.  Mieux encore, ce presque octogénaire a réussi l’exploit de réunir tous les pouvoirs entre ses mains : il a le pouvoir exécutif via la Maison-Blanche. Il a le pouvoir législatif, vu qu’il contrôle le Sénat et la Chambre. Il a aussi le pouvoir judiciaire vu qu’il contrôle la Cour suprême. Et bien entendu, le monde du business est de son côté.

Et chez nous ? Rien de tout ça, c’est même la cacophonie. De ce côté-ci de l’Atlantique, les deux pays les plus importants économiquement, l’Allemagne et la France, restent empêtrés dans des problèmes politiques insolubles. L’Allemagne ? Elle organise des élections anticipées en février pour tenter de débloquer sa crise politique, sans même évoquer son modèle économique patraque, à cause de l’absence de gaz russe et la fermeture progressive du marché chinois au Made in Germany. La France ? La chute du gouvernement Barnier montre que depuis la dissolution du président Macron, ce pays est devenu ingouvernable. D’ailleurs, les investisseurs lèvent le crayon et reportent aux calendes grecques leurs éventuels investissements.

Quant à notre Belgique chérie, son gouvernement fédéral tarde à se former, alors même qu’une enquête menée par mes confrères du quotidien économique  flamand Tijd montre que les avocats d’affaires belges sont très pessimistes pour l’année 2025. L’un d’eux avoue qu’il n’a jamais vu autant de vagues de licenciements collectifs en 25 ans de carrière ! Pour l’heure, ces licenciements sont encore dans les cartons, mais seront officiels début 2025. La faute à qui ? Aux coûts de l’énergie exorbitants en Europe et en Belgique et notre indexation salariale automatique.

Et puis, l’autre photo, tout aussi parlante que la vidéo, c’est celle de Elon Musk arrivé dans les bagages de Trump pour la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Il y a une photo extraordinaire, relayée par les réseaux sociaux, où on voit Elon Musk passer impérial devant Carla Bruni, Nicolas Sarkozy, Michel Barnier. Et pour accuser encore plus la force de ce cliché, tout ce petit microcosme parisien est assis et regarde – hébété – l’homme le plus riche du monde passer devant eux  la tête haute, souriante et conquérante.

D’ailleurs, un internaute a eu la bonne idée de demander quel titre, nous donnerions à cette photo ? Un internaute en verve a répondu: « 350 milliards de fortune face 3.200 milliards de dette publique pour la France ». Bravo, même si c’est évidemment caricatural, car les États-Unis sont encore plus endettés que la France ou l’Europe. Mais voilà, l’Amérique a la croissance, la jeunesse, la vitalité, le dollar et l’innovation qui jouent en sa faveur.

Et les derniers chiffres montrent clairement que l’Europe est un continent en dérive. La croissance de notre PIB est en berne (trois fois moindre qu’aux États-Unis) et notre population en déclin. Pour rester dans l’esprit de la cathédrale Notre-Dame, je pourrai dire que nous avons pourtant un prophète – Mario Draghi, l’ancien président de la BCE – pour nous sauver. Et ce prophète nous a indiqué le chemin de la rédemption, il a même rédigé un rapport, j’ai failli écrire une bible de 400 pages. Tout ce que l’Europe doit faire pour se ressaisir y est indiqué noir sur blanc. Tout le monde le sait. Mais personne ne bouge. Le rapport reste dans les tiroirs de la commission. La presse anglo-saxonne si prompte à nous critiquer écrit même que « Winter is coming for Europe », une célèbre réplique de la saga Game of Thrones dont on se serait bien passé. Notre continent dérive et nos hommes politiques restent l’arme au pied.

@nounou1971

♬ son original – Rachid ben
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