Eddy Caekelberghs
La guerre est complexe et multimodale
Le rouble s’écrase mais la Russie poursuit sa guerre, fait la course pour alunir un module spatial avant l’Inde, offre des céréales aux pays émergents mais paie sa “puissance” africaine à coup de rentes aux milices mafieuses.
Pour l’hebdomadaire polonais “Polityka”: “si l’Etat [russe] ne parvient pas à stabiliser le taux de change, l’effet psychologique pourrait amorcer une spirale anxiogène et affaiblir la confiance dans les institutions financières”. Mais la population russe ne s’effraie pas, comme le relève la BBC de Londres: “pas de mouvement de panique en Russie, pas de files d’attente devant les établissements bancaires. L’économie ne s’est pas effondrée. Le Kremlin dispose toujours de ressources suffisantes pour tenir le pays d’une poigne de fer”.
Effet collatéral important: la Banque centrale de Russie met au point le rouble électronique qui permet de contourner les systèmes bancaires internationaux, dont la Russie a été exclue, mais aussi de surveiller plus étroitement qui verse quoi et combien à qui!
Les fonds secrets des milliardaires sont mobilisés
Poutine a été informé des réserves secrètes de devises étrangères détenues par les milliardaires russes. Des stocks qui ne sont pas entrés en Russie ont été trouvés dans les entreprises de milliardaires comme Eurochem d’Andrey Melnichenko (le plus grand producteur d’engrais), PhosAgro d’Andrey Guryev (une fortune de 9,7 milliards de dollars), Uralkali et Uralchem de Dmitry Mazepin (une fortune de 2,8 milliards de dollars) et Akron de Vyacheslav Kantor (d’une valeur de 11,3 milliards de dollars). Ces fonds ont reçu ordre d’être rapatriés pour soutenir le rouble!
Pour certains opposants publiés dans les colonnes du portail Ekho (en exil) on voit que: “Premièrement, cela lui permet de recruter davantage de soldats et de mercenaires. La solde que ceux-ci perçoivent (quand elle est versée) est en roubles. Or, l’Etat dispose d’une manne en roubles plus conséquente aujourd’hui. Deuxièmement, c’est un coup dur pour les émigrés russes. Essayez donc de vivre à l’étranger lorsque vous percevez vos revenus en Russie! Tous les exilés finissent par revenir au pays, et il y aura bientôt une deuxième vague de mobilisation. Troisièmement, les Russes se retrouvent isolés de l’Europe et du monde. On n’y va plus en vacances, on ne va plus voir comment les gens vivent dans les ‘pays inamicaux’. Le cours du rouble vient consolider les murs de la ‘forteresse assiégée’.”
Nous devrions être plus prudents parce que les effets boomerang à terme ne sont pas ceux que l’on croit.
Et ceci nous ramène à la manière dont nous ne nous intéressons pas du tout au sort des Russes qui fuient et contestent le régime mais dont la situation financière et administrative ici, chez nous, est rendue ô combien difficile.
Nous devrions être plus prudents parce que les effets boomerang à terme ne sont pas ceux que l’on croit. La Russie développe des pare-feux et s’ancre vers l’Asie et la Chine. Une Chine qui, elle, de son côté, surfe sur une possible déflation avec effondrement des prix et instabilité économique. En juillet, les exportations chinoises ont reculé de près de 15%, leur plus fort repli depuis trois ans. Un jeune Chinois sur cinq (16-24 ans) est au chômage selon les chiffres publiés en mai, soit un taux de 20,8% et un nouveau record dans le pays asiatique.
La question se pose aussi ici! Comme le souligne le journal en ligne turc T24: “Pour l’Europe surtout, l’aspect financier s’accompagne d’autres problèmes comme celui de la restriction du commerce énergétique avec la Russie. Combien de temps encore l’argent continuera-t-il d’affluer vers l’Ukraine?” La guerre épuise, l’économie dispose! Méditons…
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