Philippe Ledent
La guerre commerciale sera-t-elle inflationniste ?
En introduisant des tarifs douaniers massifs et arbitraires, Donald Trump a déclenché ce qui pourrait rapidement devenir une guerre commerciale totale. Mais n’allons pas trop vite en besogne : il ne serait pas étonnant que le Président américain considère soudainement que de nouveaux accords commerciaux sont une bonne chose. Mais quoi qu’il en soit, la mondialisation est bel et bien terminée, et nous entrons dans une nouvelle période marquée par plus de protectionnisme, de repli sur soi et de tensions commerciales et géopolitiques.
Devant tant d’inconsistance de la politique économique menée par les États-Unis, la réaction des marchés financiers est brutale, probablement exagérée, mais compréhensible. L’incertitude sur le futur du commerce mondial provoque une grande incertitude sur le scénario économique et le spectre de la récession fait son retour. Concrètement, une guerre commerciale dure, impliquant une escalade des droits de douane, se soldera effectivement par une récession et moins de croissance à long terme. De nouveaux accords commerciaux impliquant des droits de douanes plus élevés que par le passé, mais signés dans une logique coopérative, réduiraient la croissance sans la casser complètement. Le problème, c’est que tout le monde tablait sur ce dernier scénario, mais les avis sont en train de changer en faveur du premier…
En matière d’inflation, infliger des tarifs douaniers d’une telle ampleur ne peut que faire rebondir l’inflation aux États-Unis. Peu importe ce que Trump et ses conseillers économiques peuvent penser, la majorité des droits de douane seront payés par les consommateurs américains. Sans compter que les prix des alternatives locales, quand elles existent, ne manqueront pas de grimper également, soit parce que les composants de ces produits sont eux-mêmes importés, soit parce que le producteur américain ne se gênera pas pour relever ses prix et ainsi augmenter sa marge.
En Europe par contre, l’effet des tensions commerciales sur les prix reste incertain. évidemment, si le Vieux Continent réplique en imposant des tarifs sur certaines importations américaines, cela aura un impact haussier sur les prix à la consommation. Néanmoins, le ralentissement économique est en soit déflationniste, notamment en raison d’une baisse des prix de l’énergie. Par ailleurs, on peut imaginer que les producteurs européens vont tenter de renforcer leurs ventes sur leur marché intérieur en concédant des baisses de prix. Pour autant qu’elles leur soient moins douloureuses que les baisses de prix concédées aux États-Unis pour compenser les tarifs américains.
On peut imaginer que les producteurs européens vont tenter de renforcer leurs ventes sur leur marché intérieur en concédant des baisses de prix.
Les entreprises chinoises, qui sont encore plus durement touchées par des droits de douane de 34% (qui viennent s’ajouter aux 20% déjà décidés) vont également tenter de renforcer leurs ventes sur le marché européen par des baisses de prix. Dès lors, il ne serait pas étonnant d’observer en Europe des pressions déflationnistes au cours des prochains mois. Elles pourraient au moins compenser les pressions haussières liées aux droits de douane européens. Ceci n’est pas sans conséquence sur le comportement de la Banque centrale européenne. Si l’inflation ne se détériore pas, cela lui laissera les mains plus libres pour baisser un peu plus ses taux au cas où la situation économique se détériorerait de trop. Il faut espérer qu’il en sera ainsi, car si, à l’inverse, le scénario de stagflation devait s’imposer (faible croissance ET forte inflation), il lui sera très difficile de lutter contre l’inflation en augmentant ses taux, provoquant encore plus de peine à l’économie.
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