Le lecteur critique haussera probablement les sourcils face au titre. La guerre commerciale concerne en effet une guerre tarifaire et n’a donc rien à voir avec les banques centrales. Pourtant, à y regarder de plus près, la banque centrale chinoise fait ce dont Trump ne peut que rêver.
Un quart du massif endettement public américain (soit 9.000 milliards de dollars) arrive à maturité en 2026 et doit donc être renouvelé. Des dettes qui ont été contractées avant la crise ukrainienne et sont en cours à des taux d’intérêt nuls devront être renouvelées à 4 à 5%, ce qui représenterait 450 milliards d’intérêts supplémentaires sur la dette existante. Non seulement le gouvernement, mais aussi les entreprises déclarent, dans une enquête de l’AmCham (la Chambre de commerce américaine), que le taux d’intérêt élevé, conjugué au manque de main-d’œuvre, est le plus grand obstacle à une croissance ultérieure. Une baisse des taux est donc essentielle selon Trump. Mais là où le président américain se croit maître dans de nombreux domaines, il se heurte à l’autonomie de la Réserve fédérale. Même les menaces de limoger son directeur Jerome Powell n’aident pas. Le taux d’intérêt américain reste à 4,25%.
Ce que la Fed ne fait pas, et que Trump ne peut pas obtenir, la Banque de Chine le fait. Le taux d’intérêt a déjà été baissé à plusieurs reprises et se situe désormais à 1,4% ; soit trois fois moins que le taux américain. Mais cela ne s’arrête pas là. Afin de donner plus d’oxygène aux banques, pour qu’elles puissent accorder plus de crédits aux entreprises, les exigences en capital – les exigences dites de Bâle – sont systématiquement abaissées. Abaisser le ratio de réserve de 0,5 point de pourcentage mène en effet à une injection de liquidités supplémentaire de 180 milliards de dollars dans l’économie financière. En 2008, le ratio de réserve chinois s’élevait à 17,5%. En mai, il a été réduit à une moyenne de 6,2%. Ce dont les banques américaines et européennes ne peuvent que rêver avec des exigences en capital moyennes respectives de 9,5% et 10,6%. De plus, le leasing financier et le financement du matériel roulant, y compris les camions et les voitures, sont désormais exemptés d’exigences en capital en Chine.
La banque centrale chinoise fait ce dont Trump ne peut que rêver.
Cette politique monétaire va de pair avec une politique de diversification. Pour neutraliser l’impact des tarifs commerciaux américains, on se tourne vers d’autres marchés d’exportation. Les tarifs d’importation américains sur les produits chinois, combinés aux contre-tarifs chinois, auraient un impact négatif sur la croissance chinoise, estimé entre 1 et 2 points de pourcentage (étude City Bank). Dans le pire des cas, cela réduirait considérablement la croissance chinoise prévue de 4,6% en 2025. Au cours des quatre premiers mois de 2025, les exportations chinoises vers les USA ont diminué de 21%, mais elles ont augmenté du même pourcentage avec les pays d’Asie du Sud-Est et de 8% vers l’UE.
L’impact des tarifs commerciaux sur l’Europe serait assez limité, à savoir entre 0,3 et 0,4% du PIB ; variant de 0,26% pour la Belgique (étude ING) à 0,4% pour l’Allemagne (Institut der Deutschen Wirtschaft). La Banque centrale européenne, bien qu’elle ait statutairement pour seul objectif de gérer l’inflation, baisse systématiquement le taux d’intérêt et se situe maintenant à un niveau de 2,25%.
Il est clair que les banques centrales européennes, et surtout la banque centrale chinoise, sont mobilisées pour stimuler la croissance économique. Pour l’instant, la Fed continue de se concentrer sur la lutte contre l’inflation, au grand dam du président qui l’envie.