Typhanie Afschrift
La grande muraille grise du fisc belge
L’absorption du service de conciliation fiscale et celui des décisions anticipées ne peut que contribuer à aggraver encore le climat qui règne entre l’administration et beaucoup de contribuables.
Lorsque le ministre des Finances a annoncé ce qu’il appelle la “première phase d’une vaste réforme fiscale” sans avoir la moindre idée de ce que seront les phases suivantes, et en sachant avec certitude que si elles ont lieu un jour, il sera revenu à ses fonctions de bourgmestre de De Pinte, la presse a d’abord suivi à la lettre les arguments du ministre, allant jusqu’à annoncer une réduction d’impôt de 835 euros. Et ce sans aucune nuance. On sait pourtant que presque personne ne bénéficiera d’un tel montant et que beaucoup de contribuables payeront nettement plus qu’avant.
Ensuite, sont apparues quelques observations un peu plus critiques sur l’annonce de mesures comme l’augmentation de la TVA sur des produits de première nécessité (de 6 à 9%, avec son effet inflatoire), les restrictions apportées à la constitution d’une pension complémentaire au moment où l’on sait que la pension légale est non seulement insuffisante mais sans doute impayable, la réduction des avantages des plans d’options sur actions à un moment où l’on veut favoriser l’actionnariat salarié, la taxation plus élevée de certains avantages de toute nature alors qu’on veut réduire l’impôt sur le travail…
Tout cela ne peut que contribuer à aggraver encore le climat qui règne entre l’administration et beaucoup de contribuables.
On a beaucoup moins commenté une autre mesure qui va clairement dans le sens habituel de la politique d’un ministre que l’on dit incapable de refuser quelque chose à son administration. Il s’agit de la perte totale d’indépendance à laquelle seront voués deux services importants de l’administration fiscale: le service de conciliation fiscale d’une part, et celui des décisions anticipées d’autre part. Ces deux services seront absorbés dans l’administration générale si le funeste projet de réforme du ministre est voté.
Le service de conciliation fiscale tente, souvent avec succès, de trouver une solution amiable à des conflits entre l’administration et des contribuables. Lorsqu’il a été créé, on a regretté que la conciliation soit effectuée par des membres de l’administration elle-même. Il eût été plus logique que pour concilier des parties, on trouve une tierce personne, indépendante du contribuable comme de l’administration. Cela n’a pas empêché ce service de faire de l’excellent travail. On doute que cela puisse continuer de la même manière si l’indépendance, qualité essentielle d’un conciliateur, fait défaut.
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La même chose se passe à propos du service des décisions anticipées. Il rend des rulings qui, en principe, lient l’administration. Son fonctionnement implique que les contribuables aient confiance en ce service en lui confiant le projet qu’ils comptent mettre en place et en ayant la certitude que les décisions anticipées seront respectées par le reste de l’administration. Aujourd’hui, on ne trouve rien de mieux que de placer ce service, qui se devait d’être indépendant, sous la tutelle de l’administration centrale. On prévoit même une communication directe, au stade où un ruling est seulement demandé, avec les services de taxation. C’est l’idéal si l’on veut que les contribuables se détournent de ce service.
Tout cela ne peut que contribuer à aggraver encore le climat qui règne entre l’administration et beaucoup de contribuables, et qui résultait pour une bonne part du déséquilibre créé par le même ministre, par plusieurs lois de procédure, dans le cadre des contrôles fiscaux.
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