Amid Faljaoui
Pour éviter le naufrage, la France doit devenir belge
Mais non, la France ne s’est pas réveillée ce lundi 8 juillet encore plus ingouvernable qu’elle ne l’était par le passé. Elle s’est juste réveillée un peu plus belge et un peu moins française.
Explications : La France a juste évité le pire avec une extrême droite qui n’aura pas accès au pouvoir suprême. En tout cas, pas pour 2024, car comme l’a souligné Marine Le Pen, “la victoire du RN est juste différée”. En revanche, si le RN ne sera pas demain à Matignon, c’est parce que les castors sont de retour. J’évoque les castors car la semaine précédant ce second scrutin, les commentateurs en France n’ont pas arrêté de parler de barrage (Front républicain). Et les castors ont bien travaillé, car le barrage a bien fonctionné, et ce pour la troisième fois !
Souvenez-vous, les deux premières fois, les “castors” de gauche avaient travaillé pour Jacques Chirac et Emmanuel Macron, deux politiques de droite, et cette fois-ci, ce sont les “castors” de la droite modérée et du centre qui ont pincé leur nez avant de voter à gauche et au centre dans l’esprit du “tout sauf le RN”. Mission accomplie. Mais la menace maintenant serait de croire que la France a voté de manière unilatérale à gauche. Rien n’est plus faux : la majorité parlementaire (centre + droite modérée + extrême droite) est clairement de droite.
Pourtant, Jean-Luc Mélenchon voudrait faire croire que la France a basculé à gauche, en réclamant le poste de Premier ministre pour son mouvement de la gauche radicale et en disant qu’il va appliquer “son programme, rien que son programme” et qu’il est hostile à “toute négociation ou combinaison politique”. Et c’est là où Mélenchon se trompe lourdement. D’ailleurs Raphaël Glucksmann, homme de gauche modéré, l’a fort bien compris. Il a déclaré “nous sommes en tête mais dans une assemblée divisée (…) et donc, il va falloir se comporter en adulte (…). Il va falloir discuter, il va falloir dialoguer”. “Le cœur du pouvoir a été transféré à l’Assemblée et c’est un changement de culture politique qui est nécessaire et qui va être fondamental”, a-t-il même ajouté. De fait, ce que dit Glucksman sans s’en rendre compte, c’est que ce lundi, la France s’est réveillée un peu plus belge et un peu moins française….
Mon confrère Alain Gerlache, retraité de la RTBF mais observateur aiguisé de la politique, a publié sur LinkedIn une remarque pertinente : les Français pensent que leur pays est devenu ingouvernable alors que la plupart des pays européens, et en premier lieu la Belgique, leur démontrent chaque jour que c’est faux. En réalité, les Français vont juste découvrir qu’en démocratie, on fait des coalitions. Qui dit coalition, dit aussi compromis, un art dans lequel nous autres Belges sommes champions du monde. Le compromis est un joli mot de la langue française, il impose d’écouter l’autre, de faire un pas vers lui, de ne pas estimer détenir la vérité absolue et donc de modérer ses propres positions.
Après tout, on peut vouloir fermer la porte au RN sans vouloir le retour de l’impôt sur la fortune et une imposition de 90% (!) sur les hauts revenus comme le préconise La France insoumise. Bref, Jean-Luc Mélenchon devrait se rappeler que compromis et compromission ne sont pas synonymes. Et surtout, se souvenir que les entreprises ont été les grandes abandonnées du débat républicain. Or, sans entrepreneurs, il n’y aura pas de croissance pérenne en France. Juste des déficits budgétaires incontrôlés et l’épée de Damoclès des marchés financiers dans un premier temps, et ensuite Marine Le Pen à l’Elysée dans trois ans. Et probablement encore plus de Français SDF (sans difficulté financière) dans les beaux quartiers de Bruxelles. Mes amis chefs étoilés s’y préparent déjà. Dommage, car le pays de mon enfance mérite mieux que ça.
Les Français vont juste découvrir qu’en démocratie, on fait des coalitions. Qui dit coalition, dit aussi compromis.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici