Typhanie Afschrift

La force des États-Unis

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Les États-Unis résisteront même aux erreurs de Trump. Par quelques foucades, celui-ci a créé la panique sur les marchés mondiaux et ses propres partisans ont perdu beaucoup d’argent à la Bourse ou sur les fonds de pension. Le problème pour l’Europe, c’est que les marchés y ont réagi de la même façon et qu’elle ne détient pas la clé pour sortir de ce problème. La force des États-Unis est d’être une nation. Certes créée par des immigrants venant du monde entier, mais avec un but commun : vivre le “rêve américain”, qui est toujours le même depuis 250 ans.

L’Europe n’a rien de cela. Il faut bien admettre que c’est un conglomérat d’États, dont beaucoup se sont fait la guerre à de nombreuses reprises, dont les habitants se sentent prioritairement patriotes envers leur pays et n’ont souvent accepté d’y adhérer que parce qu’elle rapportait des subsides. Une conception certes injuste, parce que l’Europe a apporté la paix et une zone, imparfaite, de libre-échange qui a permis une forte augmentation du niveau de vie. Mais celle-ci reste très en deçà de celle que connaissent les Américains.

On aura observé que les droits imposés, puis suspendus, aux différents États européens n’étaient pas les mêmes. Les uns payeront plus que les autres (si ces tarifs douaniers sont rétablis), ce qui ne sera pas positif si l’on veut unifier la réponse à Washington.

Les différents pays n’auront pas les mêmes intérêts. C’est d’ailleurs la même chose pour la guerre en Ukraine dont le président français Macron semble un partisan acharné. On ne trouve guère de pays où la population soit enthousiaste à cette idée, même pas la France. Il est clair que l’intérêt pour une défense forte est beaucoup plus évident dans l’est de l’Europe, où l’on peut légitimement se sentir plus menacé qu’au Portugal, situé très loin de la ligne de front.

Il faut s’attendre dans cette crise, dont Trump est responsable, à ce qu’un État rebondisse bien avant les autres. Et qu’il s’agisse… des États-Unis.

La seule chose qui rassemble les Européens, c’est leur habitude – et souvent leur goût – de vivre dans un régime d'”État providence” qui correspond à l’idée d’économie sociale de marché défendue par les Traités. Ce système, extrêmement couteux, et qui laisse peu de marge, si on le maintient tel quel, pour un véritable effort de guerre, n’est pas vraiment mobilisateur. En tout cas, il sera difficile de lui donner un rôle comparable à celui du “rêve américain” dans l’imaginaire des États-Unis, que ce soit parmi les démocrates ou les républicains.

Il faut s’attendre dans cette crise, dont Trump est responsable, à ce que, comme d’habitude, il y ait un État qui rebondisse bien avant les autres, et qu’il s’agisse… des États-Unis. Parce que, malgré les fortes divisions actuelles entre démocrates et républicains, la volonté de conserver un système économique capitaliste et compétitif, ainsi que l’idée qu’être riche n’est pas un opprobre, se maintiennent dans la quasi-totalité de la société américaine, toutes opinions confondues.

Alors qu’en Europe, non seulement le goût pour un vestige de la sociale démocratie se maintient, dans les partis de gauche, mais aussi dans les autres (tous les partis du gouvernement belge “Arizona” défendent l’État Providence). Mais on voit aussi apparaître des partis, de plus en plus forts, qui contestent le capitalisme lui-même. Il y a bien sûr le PTB et, en France, la LFI, mais aussi des partis classés à l’extrême droite, dont les programmes économiques sont conçus pour flatter la couche la plus pauvre de la population, qui d’ailleurs vote souvent pour eux. La crise ne change en réalité rien à cette vérité, malheureusement exacte depuis des décennies : l’Europe est le continent en déclin.

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