Amid Faljaoui
La Bourse, la hausse qui inquiète et le syndrome Gilbert Montagné
La Bourse se porte bien, mais tout le monde est inquiet
Il y a quelque chose de bizarre en ce moment à la Bourse. Tout le monde ou presque est inquiet. La bizarrerie tient au fait que la Bouse se porte pourtant bien. Très bien même.
Que ce soit en Europe ou aux États-Unis, la plupart des indices sont au vert depuis le début de l’année. Paris en particulier est à un record historique et quant à Wall Street, c’est aussi la fête : le S&P 500, l’indice qui regroupe les 500 premières sociétés cotées aux États-Unis a enregistré une hausse de 8% depuis le début de l’année. Quant au Nasdaq, l’indice des valeurs technologiques, après avoir souffert en 2022, ce dernier a grimpé de 14%, soit sa meilleure hausse de début d’année du 21e siècle !
Encore une fois, c’est bizarre, parce que ces hausses n’étaient pas vraiment prévues. Souvenez-vous, nos macro-économistes attitrés ne parlaient que de récession pour l’année 2023. À tel point que c’était le mot récession qui devait être le maître-mot en cette année et en lieu et place du mot inflation. Et puis, d’autres experts es énergie nous faisaient craindre un black-out électrique pour cet hiver, mais qui fort heureusement n’a pas eu lieu.
Les habitués du cirque médiatique diront que c’est normal que la Bourse caracole en ce moment puisque le pire ne s’est pas produit. Et ils auront raison : non seulement, il n’y a pas plus de récession que de trapéziste au Vatican, mais en plus la réouverture de l’économie chinoise, qui après avoir pratiqué la politique du zéro-COVID, n’hésite plus maintenant à garder ouverte ses usines et assume la politique de l’immunité collective. Tout cela soutient l’économie mondiale.
Sans compter que l’hiver 2022 a été plus doux que prévu (du moins en Europe) et que donc la consommation d’énergie est en baisse. De plus, ne l’oublions pas, il y a aussi le déclin de l’inflation aux États-Unis même s’il n’est pas aussi fort qu’escompté. Bref, tout ce cocktail de bonnes nouvelles était et est encore de nature à soutenir la hausse des Bourses.
Mais me revoilà malgré tout avec ma question : pourquoi est-ce que je maintiens que cette hausse boursière est bizarre ? Mais parce qu’en dépit des bonnes nouvelles, cette hausse est sans doute trop précipitée, trop rapide eu égard aux chiffres de l’économie réelle. D’ailleurs, un analyste de la Société Générale a intitulé sa note boursière : « Fast & Furious ». Bien entendu, c’est un clin -d’œil au nom de ce film d’action américain à grand succès. Que dit en substance cette note ? Les investisseurs professionnels comprennent ce rebond de la Bourse, mais ils le trouvent excessif, car si l’économie n’est pas passée par la case récession, ce n’est pas une raison pour ignorer les nuages noirs sur nos têtes. En résumé, cette euphorie boursière les embête, car ils ne savent pas quoi faire.
De fait, en Bourse, il y a un phénomène psychologique bien connu du nom de FOMO et qui joue le rôle de carburant de la hausse. Et le FOMO est l’acronyme de l’expression « Fear Of Missing Out ». Dans la langue de Voltaire, c’est la peur psychologique de rater ou manquer quelque chose. Le quelque chose en question, c’est que la hausse continue et que les clients bancaires engueulent leur gestionnaire de patrimoine, car il leur a préconisé d’être prudents et d’augmenter la partie cash alors que la Bourse, elle, a continué de grimper pendant ce temps-là, mais sans eux !
Mais il n’y a pas que les pros qui se rongent les ongles, les particuliers sont exactement dans le même cas aujourd’hui. Ils voient que les actions ont bien grimpé, et leur question, aujourd’hui, est : doivent-ils vendre et empocher leurs gains ? Où doivent-ils rester et investir pour profiter de la hausse actuelle, mais en ne sachant pas si elle durera longtemps ?
La petite consolation aujourd’hui, c’est que ceux ou celles qui sont prudents et mettent leurs gains en cash bénéficient aujourd’hui d’une petite rémunération alors que le cash ne rapportait rien il y a quelques semaines. La consolation reste très maigre, car une fois l’inflation défalquée, le cash garde un rendement très négatif !
Pour le reste, je me garderai bien de donner un quelconque conseil sauf à constater qu’une fois de plus, une partie des experts qui nous donnent des conseils à longueur de journée ont été atteints du syndrome Gilbert Montagné. Ils n’ont rien vu venir.
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