Amid Faljaoui
La Bourse sans concession, même pour les partis de droite ou d’extrême droite
Les marchés financiers n’ont pas de préférences politiques mais exigent des politiques économiques cohérentes et viables. Liz Truss et Emmanuel Macron en ont fait les frais. Le RN pourrait suivre le même chemin.
La Bourse et les marchés financiers n’aiment pas trop les politiques. Et c’est normal puisqu’ils n’ont pas le même logiciel et ne se comprennent pas. Pendant longtemps, on a cru que les marchés financiers préféraient les gouvernements de droite. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ce que regardent aujourd’hui les marchés financiers, c’est si la politique du gouvernement en question est logique et tient la route.
Prenons le cas de Liz Truss, l’ancienne Première ministre de Grande-Bretagne. Bien que cataloguée à droite, elle n’est pas restée longtemps au poste, car elle a eu une drôle d’idée. Elle a voulu augmenter les dépenses sociales tout en diminuant les impôts. Vous avez beau réfléchir, cela ne tient pas la route une seule seconde. La pression des marchés financiers a donc des plus brutales. Et avec pour conséquence que Liz Truss a dû quitter son poste un mois et 19 jours après avoir été nommée.
Même chose pour Emmanuel Macron : bien qu’il représente le centre droit et qu’il affirme que les dérapages budgétaires sous son règne sont surtout dus aux aides liées à la lutte contre le COVID, les marchés financiers ne le prennent plus au sérieux. Une semaine avant les élections européennes, l’agence de notation a même dégradé la note de la dette publique française.
Et maintenant que se passe-t-il ? Le RN est aux portes du pouvoir. Lui aussi a compris qu’avec son programme de largesses budgétaires non financées, il ne tiendrait pas longtemps face à la pression des marchés financiers. Du coup que fait Jordan Bardella ? Il dit qu’il ne sera pas Premier ministre s’il n’a pas une majorité absolue au Parlement. On constate qu’il s’offre là une première échappatoire. Car, en temps normal, même avec une majorité relative, le pouvoir ne se refuse pas. Il devrait aller au champ de bataille. Mais voilà, entre faire campagne sur TikTok et gérer un pays, il y a une grande différence.
L’autre astuce des dirigeants du RN pour éviter le piège est de dire qu’ils veulent un audit de l’état réel de la France. C’est une astuce vieille comme le monde pour endormir leur électorat. Évidemment, l’audit va se révéler négatif, très négatif. Et devinez quoi ? Les dirigeants du RN diront qu’ils ne pourront pas mettre en place toutes les largesses promises, car on leur a menti sur l’état réel de la France. Ce qui les obligera – les pauvres – de d’abord assainir les finances publiques avant de faire de nouvelles promesses.
La Bourse a bien compris le danger de ces politiciens qui proposent des choses sans réfléchir. Le RN, par exemple, déteste les médias publics et Marine Le Pen a promis de privatiser l’audiovisuel public en cas de victoire. Mais depuis lors, ce sont les actions de TF1, M6, NRJ, bref des médias plus proches de la droite qui ont trinqué. Leurs actions sont en chute libre et 500 millions d’euros ont été effacés en quelques jours. C’est logique : si l’audiovisuel public est privatisé, le gâteau publicitaire, déjà peu enclin à s’agrandir, devra être partagé entre encore davantage d’acteurs. La rentabilité de tous les acteurs va mécaniquement diminuer. Et encore. Ce scénario suppose qu’on trouve quelqu’un qui veuille bien acheter des chaînes de radio et de télévision publiques employant des milliers de personnes. Un expert a calculé que le seul rachat de France 2 nécessiterait au bas mot un milliard d’euros de recettes publicitaires, et cela juste pour rentabiliser une France 2 privatisée. Bref, vous le voyez bien, c’est encore une promesse de campagne qui ne tient pas la route. En réalité, le RN a beau gigoter dans tous les sens, il a les pieds dans le ciment. Et le ciment est sec.
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