Paul Vacca

John et Paul, anatomie d’une collaboration

Paul Vacca Romancier, essayiste et consultant

En 1969, une rumeur affirma que Paul McCartney était mort : disparu en 1966 dans un accident de voiture, il aurait été remplacé par un sosie au sein du groupe. Les indices irréfutables tels que Paul sur la pochette d’Abbey Road pieds nus (signe de mort évident !), tenant sa cigarette de la main droite (alors que c’est bien connu, il était gaucher !), des chansons écoutées à l’envers, des titres à double sens ou même des paroles inaudibles en apportèrent la preuve. L’intéressé trouvera la réponse parfaite : “Si j’étais mort, je serais le dernier à être au courant”.

Plus crédible, en revanche, me semble être l’hypothèse selon laquelle les Beatles ne seraient jamais morts. Les indices sont bien plus convaincants : une chanson ressuscitée grâce à l’IA avec Now and Then en 2023, un documentaire – Get Back de Peter Jackson en 2022 – faisant renaître des archives, mais aussi une multitude de vidéos rebootées pour TikTok ou qui revivifient en permanence la Beatlemania toutes générations confondues : une vitalité resplendissante pour un groupe disparu en 1971.

L’essai John and Paul – A Love Story in Songs (Faber & Faber) redonne également vie au duo mythique Lennon-McCartney sous des perspectives nouvelles. Signé par le talentueux essayiste anglais Ian Leslie, cet ouvrage passionnant s’appuie sur les 43 chansons nées de cette association pour nous plonger dans la relation intime et complexe qui unissait le duo. Une association aux allures de bromance : la symbiose primitive et l’énergie fusionnelle des premières chansons (She Loves You, 1963), puis les chansons miroir de l’affirmation de leurs personnalités respectives (Yesterday pour Paul et Norwegian Wood pour John en 1965), puis les chansons de la tension et de l’ego (Hey Jude pour Paul en 1968, The Ballad of John and Yoko pour John en 1969), puis encore les titres de rupture (en 1972, l’acide How Do You Sleep? de Lennon à l’adresse de McCartney après la séparation du groupe) et enfin, la chanson de la réconciliation posthume (le poignant et pudique Here Today de 1982 que Paul dédie à John deux ans après sa mort).

Un ouvrage à méditer pour tout manager en quête d’harmonie créative.

Cet essai plonge au cœur de la matrice créative du duo en explorant ce qui fait la nature profonde de toute collaboration humaine. À ce titre, il pourrait être l’essai rêvé pour tout manager qui veut donner naissance à des collaborations fructueuses. Il y apprendra comment tirer parti des forces complémentaires, comment cultiver la confiance et l’intimité professionnelle, comment utiliser les jalons pour construire une relation, comment transformer les tensions en leviers de créativité et surtout, comment s’appuyer sur une vision et des valeurs partagées. Un ouvrage à méditer pour tout manager en quête d’harmonie créative.

Ian Leslie nous montre aussi qu’il faut sortir des dichotomies faciles comme celle qui a longtemps empoisonné le duo : John le-rebelle-avant-gardiste-écorché-idéaliste contre Paul le doux-daddy-mélodiste-sentimental. C’était beaucoup plus subtil que cela : malgré leurs différences, il est impossible de comprendre John sans Paul, ni Paul sans John. Ils étaient le miroir l’un de l’autre, le moteur mutuel de leur génie. Leur relation faite de rivalité et d’admiration les a finalement rendus indissociables.

Leslie fait affleurer la part d’inexplicable de cette collaboration. McCartney se souviendra bien plus tard de cette expérience vertigineuse. “Il y avait quelque chose de troublant là-dedans. Vous vous demandez : ‘Comment en revenir ? Comment mener une vie normale après cela ?’ Et la réponse, c’est qu’on ne peut pas.” C’est peut-être dans cette relation que se trouve l’élixir de leur éternité.

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