Amid Faljaoui

L’âge de Joe Biden est-il vraiment un handicap?

C’est loin d’être anecdotique : tous les commentateurs, ou presque, se sont amusés à épingler l’âge avancé de Joe Biden alors qu’il brigue un second mandat à la tête des États-Unis.

Il est vrai que si Joe Biden gagne les prochaines élections présidentielles, le président démocrate aura 86 ans lorsqu’il quittera la Maison-Blanche. J’écris que c’est « amusant » parce qu’en réalité, le monde d’aujourd’hui est déjà dirigé par des personnes qui ont largement dépassé l’âge de la retraite. La gérontocratie n’est donc pas une spécialité des États-Unis.

En effet, lorsque Joe Biden quittera la Maison-Blanche (après un second mandat), le président chinois Xi Jinping aura 75 ans, Vladimir Poutine, s’il n’est pas renversé d’ici là, aura 76 ans. Le nouveau président du Brésil, Lula da Silva aura 83 ans, le Premier ministre indien Narendra Modi tutoiera la barre des 78 ans et si on ajoute un grand pays comme la Turquie et pour peu qu’il gagne les élections, le président turc Erdogan aura aussi 74 ans ! Bref, plus des trois quarts de l’humanité seront dirigés par des personnes qui n’ont pas voulu prendre leur retraite (oui, je sais, j’adore les euphémismes).

D’ailleurs, quand j’écris « trois quarts de l’humanité », je n’exagère pas, puisqu’il s’agit de pays aussi peuplés que le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine, la Turquie, sans oublier l’Afrique du Sud, dirigée, elle aussi, par un président qui aura 76 ans si Joe Biden quitte la Maison-Blanche d’ici 5 ans. Comme le faisaient remarquer mes confrères du quotidien suisse Le Temps, c’est étonnant de voir que notre continent – souvent qualifié péjorativement de Vieux Continent – fait le chemin inverse et met le plus souvent des hommes et des femmes jeunes à la tête de leurs gouvernements, que ce soit en France, en Belgique, en Autriche, en Italie ou en Finlande.

Maintenant la question qui se pose, c’est faut-il être jeune pour gouverner un pays ? Autrement dit, à quel moment, la sagesse et l’expérience se transforment-elles en handicap ? La question est mal posée : aux États-Unis, par exemple, les jeunes devraient voter massivement pour Joe Biden  malgré son âge avancé, notamment en raison de ses prises de position sociétales sur l’avortement et son plan de lutte contre le réchauffement climatique. Entre nous, c’est d’ailleurs, la raison pour laquelle, malgré la campagne anti TikTok au parlement américain, l’application chinoise ne sera pas bannie avant la fin de la campagne électorale. Motif ? Les démocrates iront séduire ces jeunes là où ils se trouvent : donc, sur TikTok !  De même qu’on parle souvent des salaires des grands patrons de sociétés cotées pour les critiquer alors qu’on ne dit rien des salaires mirobolants des joueurs de foot, ici, comme le faisait remarquer une porte-parole du parti démocrate, personne ne trouve rien à redire à Mick Jagger ou à Paul McCartney alors qu’ils ont le même âge que Joe Biden : devrait-on leur demander d’arrêter leurs concerts ? Non, bien entendu.

En fait, gardons à l’esprit que les experts se sont toujours trompés. Souvenez-vous quand Joe Biden a été élu, nos experts, nos « sachants » ont tous prédit qu’il ne terminerait pas son mandat et que sa vice-présidente Kamala Harris prendrait le relais. Avec le recul, on sait que « sleepy Joe », comme la presse l’a surnommé, a fait plus en 3 ans que la plupart de ses prédécesseurs y compris le « jeune » Obama. Et puis, comme l’avait fait remarquer Bill Clinton, les élections aux États-Unis se jouent toujours sur le bilan économique : quand l’économie va, le président sortant est réélu. Clinton avait résumé cet état d’un fait d’un célèbre « Its’ the economy, stupid ! » à un journaliste qui lui demandait la raison de sa victoire contre son rival républicain. Or, Joe Biden a aujourd’hui un bilan économique ultra-flatteur : le chômage est au plus bas, la réputation des États-Unis est au plus haut, il a mis en place des plans budgétaires massifs pour relancer les infrastructures, pour fabriquer des semi-conducteurs localement afin de réduire sa dépendance à l’égard de la Chine, et last but not least, Joe Biden a promulgué un plan de 400 milliards de dollars pour verdir l’économie américaine à coups de subventions. Le plan (IRA) marche tellement bien qu’il est en train d’attirer des industriels européens sur le sol américain au grand dam de notre Vieux Continent.

Au fond, le seul vrai défi de Joe Biden sera de tenir le coup physiquement durant cette campagne électorale qui durera un an et demi.  God Bless, Joe comme on dit là-bas.

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