Rudy Aernoudt
Si les prochains gouvernements doivent se fixer une priorité, c’est bien celle de l’éducation
Commençons par examiner quelques chiffres et concepts : en Belgique, le taux d’emploi est de 72%, ce qui signifie que 72% de la population âgée de 18 à 65 ans – la ‘‘population active’’ – travaille. Le taux de chômage est de 5,6%. Le delta, soit 22,4% de la population active, ne travaille pas et n’est pas au chômage ; il s’agit des inactifs, c’est-à-dire de la population active inactive.
Il y a 15 ans, 59% de la population active âgée entre 55 et 64 ans était inactive. C’était beaucoup trop. Et pour remédier à cela, de nombreuses mesures ont été adoptées. Avec succès visiblement puisqu’en 2023, seules 34% des personnes de cette catégorie étaient inactives. Les personnes plus âgées ont donc largement contribué à l’amélioration du taux d’emploi et à l’objectif de le porter à 80% de la population.
Côté relève, le tableau est tout autre. Il y a 15 ans, 44% des 18-24 ans étaient inactifs ; en 2023, le chiffre était de 56%. Ce qui ne contribuera pas, tant s’en faut, à atteindre les 80% visés. Que se passe-t-il ?
Opter pour la démagogie, en promettant un salaire minimum de 2.800 euros et une semaine de quatre jours, est bien plus simple.
L’an dernier, 52% des jeunes suivaient des études supérieures, contre 35% en 2008 (pour les statistiques, les étudiants sont des inactifs). Mais à la démocratisation de l’enseignement est venu s’ajouter un phénomène de nature organisationnelle : alors qu’avant les accords de Bologne, on réussissait ou on échouait, les étudiants peuvent, depuis, définir eux-mêmes le nombre de crédits qu’ils comptent valider sur une année et reporter les matières difficiles, par exemple, sur les suivantes. Or seuls 29% des étudiants flamands et 19% des francophones obtiennent leur bac en trois ans (la moyenne de l’OCDE est de 38%). Il faut six ans, soit le double de la normale, pour que 67% des Flamands et 47% des francophones décrochent ce diplôme. La durée moyenne d’un cursus de trois ans est donc de facto de 4,5 ans environ, sans encore compter le master, ce qui plombe évidemment les statistiques. Le problème n’est donc pas dû aux seuls jeunes mais aussi à l’instruction et à son échec à promouvoir l’amour du travail et la discipline. Ce qui n’augure rien de bon pour la suite.
Si, pour atteindre les 80% de taux d’emploi visés, nous devons pousser nos jeunes vers le marché du travail plutôt qu’en direction des études, ça sera peut-être profitable à brève échéance, mais délétère pour la suite, puisque la qualité de vie dépend beaucoup du niveau de diplôme. Pour qui en douterait, voici une autre statistique : le taux d’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur est de 85%, contre 47% pour les personnes moins instruites.
La meilleure façon de mettre les gens au travail et de fournir aux entreprises la main-d’œuvre qu’elles réclament est de les former. Que le système éducatif soit si peu ambitieux n’est pas tolérable. De notre enseignement – le plus déglingué d’Europe – dépend notre avenir. L’an passé, les enfants de 12 ans avaient le niveau que pouvaient revendiquer les petits de 11 ans il y a 15 ans. Si les prochains gouvernements doivent se fixer une priorité, c’est bien celle de l’éducation. La tâche ne sera pas facile et exigera une bonne dose de courage politique ; opter pour la démagogie, en promettant un salaire minimum de 2.800 euros et une semaine de quatre jours, est bien plus simple.
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