Amid Faljaoui

Immobilier : l’enfer des prêts hypothécaires variables

“La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer.” Cette phrase remarquable de l’écrivain Sylvain Tesson pourrait sans problème s’appliquer aux Belges.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas de souffrances, pas de difficultés, mais à force de regarder le trou dans le pantalon, on en oublierait presque qu’il y a un pantalon. La preuve, pas plus tard que cette semaine, des millions de Britanniques découvrent que, eux, vivent vraiment en enfer. A cause de qui ?  Mais de l’inflation. Elle reste trop élevée et donc la banque centrale d’Angleterre a durci pour la 13e fois d’affilée ses taux d’intérêt. En clair, le coût du crédit hypothécaire est au plus haut depuis 15 ans. Et alors, me direz-vous, en Belgique, c’est la même chose. Non, car en Grande-Bretagne, comme dans d’autres pays comme l’Espagne, la Suède, l’Italie ou encore la Grèce, la majorité des ménages empruntent à taux variables. Et quand les taux augmentent régulièrement et vite comme c’est le cas depuis moins d’un an, la hausse de la mensualité fait mal. En Grande-Bretagne, 1.4 million de foyers risquent de perdre 20% de leur pouvoir d’achat à cause de la seule hausse du coût des crédits immobiliers. Et comme le montrent plusieurs enquêtes sur place, les citoyens britanniques – du moins la classe moyenne – rognent sur toutes les dépenses discrétionnaires. Pire, pas mal de ménages doivent recourir au crédit à la consommation pour faire face à la hausse de leur mensualité, et c’est là, où j’en reviens à mon histoire d’enfer en Belgique.

Notre pays, comme la France d’ailleurs, protège mieux ses citoyens. D’abord, nous avons la chance d’avoir l’indexation automatique des salaires qui à défaut de compenser la totalité de la hausse des coûts sert au moins d’amortisseur social. Et puis, la législation belge fait que le Belge qui emprunte à taux variable est nettement mieux protégé qu’en Grande-Bretagne. D’abord, parce que la banque a l’obligation de faire une simulation du scénario du pire. Le candidat acheteur en Belgique sait donc à quoi s’attendre, il n’a pas de surprise. Ensuite, nous avons dans notre magnifique pays un mécanisme qui n’existe nulle part ailleurs et qui impose que le taux variable ne peut jamais plus que doubler par rapport aux taux initial. Là encore, c’est une protection contre l’enfer des taux variables que vivent en ce moment d’autres pays qui n’ont pas ces mécanismes de protection.

Si l’accès à l’immobilier est devenu plus compliqué en Belgique, au moins il ne pousse pas la classe moyenne à se saigner les veines comme c’est le cas de l’autre côté de la Manche. D’ailleurs, le Belge l’a compris. Pour diminuer sa mensualité, il a tendance aujourd’hui à allonger la durée de son prêt hypothécaire. C’est un constat que font toutes les banques belges sans exception. Aujourd’hui, tout le monde trouve cela normal, alors qu’il y a quelques années encore, l’idéal était de rembourser son prêt hypothécaire en 15 ans. Il y a quelques années encore, la majorité des ménages en Belgique auraient considéré cet allongement de la durée des crédits immobiliers comme un allongement d’une peine de prison. Peine consentie, mais peine quand même.

Et puis, ultime réflexion : le marché du logement a sa propre logique que je viens d’expliquer rapidement, mais qui se heurte au marché du mariage qui en a une autre. A savoir, que le taux de divorce augmente et qu’il y a même une frange de la population pour laquelle la durée du mariage n’est que de 5 ans. Pour reprendre la formule de l’un de mes confrères du Figaro, « on se marie pour cinq ans et on s’endette sur vingt-cinq ». Voilà un beau sujet de discussion pour ce weekend que je vous souhaite de passer agréablement.

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