Amid Faljaoui
Halloween, le retour de la sinistrose et la lecture obligée de Paul Claudel
En ce mardi 31 octobre, il n’y a pas que les enfants qui jouent à se faire peur avec Halloween. Les adultes, ou plus précisément les investisseurs, ont aussi peur et disons-le tout net, ils broient du noir en ce moment.
Jamais un chef d’entreprise n’a été confronté à autant d’incertitudes en même temps. Rien que sur les 3 dernières années, il a fallu faire face aux conséquences du COVID et à la désorganisation que cela a impliquée dans les entreprises. Il a fallu faire face à la guerre en Ukraine et redécouvrir l’effet papillon : un événement au bout du monde a un impact direct sur, par exemple, la livraison de votre voiture ou sur le prix des aliments dans votre caddy de supermarché. Il a fallu faire face au retour de l’inflation et à une indexation salariale carabinée qui, à l’inverse des matières premières, ne revient pas en arrière. Avec les 3% d’indexation salariale de 2024 qui s’ajouteront aux 11% de l’année 2023, nos entreprises doivent avoir les reins solides pour absorber cette hausse salariale alors que leurs recettes sont souvent en baisse.
Ces mêmes dirigeants d’entreprise doivent également faire face à une hausse rapide et je dirai même brutale des taux d’intérêt. Bonne chance aux entreprises trop endettées. Et puis, quand ces mêmes patrons de PME espéraient souffler un petit peu en 2023, il y a l’intelligence artificielle qui fait une entrée fracassante via ChatGPT et qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponse. Et voilà, en cette fin d’année, une aggravation dramatique du conflit entre Israël et le Hamas. Au-delà de l’immense et intolérable drame humain qui se joue dans cette partie du monde, s’ajoutent d’autres interrogations – plus terre à terre, je le reconnais avec tristesse. Ainsi, la banque mondiale nous dit par exemple que les prix du pétrole et du gaz, qui sont déjà très volatils depuis deux ans, risquent de s’envoler s’il y a une extension du conflit à d’autres pays comme l’Iran, le Qatar, l’Arabie Saoudite et même l’Egypte qui est devenue, elle aussi, une grande exportatrice de gaz naturel liquéfié. D’ailleurs, dans un scénario extrême, la banque mondiale voit le baril de Brent grimper au-dessus des 150 dollars, alors qu’il tourne aujourd’hui autour des 85 dollars.
Et il n’y a pas que les citoyens ou le patron de PME à être dans le brouillard. Même les toutes grandes entreprises, les multinationales cotées en Bourse, sont aussi dans le flou le plus complet. On le voit bien au travers de la Bourse. Comme je le dis souvent, la Bourse est une grande trouillarde, elle déteste encore plus que vous et moi l’incertitude. Et quand la Bourse a peur, vous savez quoi, elle devient injuste. Elle massacre des entreprises qui ont fait d’excellents résultats malgré toutes les incertitudes que je viens d’exposer, mais comme ces résultats positifs sont juste un peu inférieurs aux attentes, la Bourse les massacre avec une violence inouïe. La société Worldline, par exemple, a vu sa valorisation s’écrouler de 60% en une seule journée. Sanofi a vu sa valeur descendre de 20% aussi en une seule séance. Et mêmes des valeurs qui occupent notre quotidien comme Alphabet-Google, Apple ou Tesla ont dégusté parce que leur croissance bien que très positive ne l’était pas assez au goût de la Bourse.
Comme le faisait remarquer le quotidien économique LES ECHOS (France) à force de broyer du noir, « le risque est que cette sinistrose ambiante ne devienne une prophétie autoréalisatrice ». Si tout le monde met le pied sur le frein par prudence, alors c’est clair l’économie finira par passer par la case arrêt. En fait, hormis le cas du Proche-Orient, nos entreprises et la Bourse sont en train de redécouvrir ce qu’est une économie cyclique. Drogué pendant presque 20 ans à coup de taux d’intérêt à 0% et avec des banquiers centraux transformés en dealer, on a oublié que l’économie était cyclique et que oui, il y a des creux, mais qu’elle peut aussi rebondir. Il est donc urgent de relire le livre de Paul Claudel, le soulier de satin et surtout son sous-titre : le pire n’est pas toujours certain.
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