Amid Faljaoui

Google et Amazon: nos nouveaux vampires électriques

Une chronique d’Amid Faljaoui, directeur de Trends-Tendances.

Bonne nouvelle : la Belgique attire enfin les géants du numérique ! Amazon investit un milliard, Google cinq milliards d’ici 2027. À Saint-Ghislain, Farciennes ou ailleurs, leurs data centers poussent comme des cathédrales modernes.

Les politiques applaudissent, les caméras filment, et tout le monde parle d’un miracle digital. Mais avant de s’enthousiasmer, il faut se poser une question simple : à qui profite vraiment ce courant ?

Parce qu’en réalité, ces milliards ne sont pas investis pour la Belgique. Ils sont investis en Belgique. Et c’est très différent.

Google et Amazon viennent ici pour des raisons pratiques : position centrale, électricité stable, fiscalité avantageuse, terrains disponibles.

Bref, parfait pour brancher des serveurs… pas forcément pour créer de la richesse locale. Et l’actualité du jour vient encore renforcer le doute.

Emplois

D’après une fuite publiée par The Verge, Amazon prévoit de remplacer 600 000 travailleurs américains par des robots d’ici 2027. Six cent mille !

Alors quand on nous promet que son implantation en Belgique “créera des emplois”, on peut raisonnablement demander : pour combien de temps ? Parce qu’on connaît la suite : au début, quelques embauches pour la photo. Et puis, peu à peu, les bras humains laissent place aux bras mécaniques.

À Saint-Ghislain, l’extension du site de Google créera environ 300 emplois. Trois cents pour cinq milliards d’euros… avouez que ça fait cher la fiche de paie. Certains diront : “Oui, mais les retombées indirectes !” Bien sûr. Mais ces promesses-là, on les entend à chaque fois qu’un géant américain ou d’ailleurs débarque et étrangement, des années après, on attend toujours les retombées en question.

Energie

Et pendant qu’on applaudit, un acteur beaucoup plus discret vient de tirer la sonnette d’alarme : Elia, le gestionnaire du réseau électrique. Les data centers consomment déjà 4 % de toute l’électricité du pays, deux fois la moyenne européenne. Et d’ici 2050, ce serait près de 40 %. Autrement dit, la même énergie qui alimente nos maisons, nos trains et nos usines servira à alimenter des serveurs américains.

Elia veut donc instaurer un “couloir”, autrement dit, une limite stricte de puissance, pour éviter la saturation. Car si on laisse faire, nos propres entreprises – celles qui produisent, innovent, embauchent – pourraient un jour manquer de courant. D’ailleurs, c’est déjà le cas actuellement sur plusieurs zonings en Wallonie.

Et là, on passera du rêve numérique à la panne économique. Mais au fond, le vrai sujet, ce n’est pas seulement l’électricité :

C’est la dépendance. Chaque fois qu’on déroule le tapis rouge à ces multinationales, on cède un peu de souveraineté. Nos données, notre énergie, notre indépendance technologique : tout devient tributaire de décisions prises à Seattle ou à Mountain View. Alors oui, accueillir ces investissements n’est pas une erreur. Mais les célébrer comme une victoire nationale, si.

Un pays devient vraiment digital quand il fait grandir ses champions et non pas quand il fournit l’électricité aux géants des autres. Parce que le progrès, ce n’est pas seulement d’être connecté au monde. C’est aussi de savoir qui contrôle la prise.

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