Amid Faljaoui
France : dissolution Hara-Kiri et fausse peur du loup
En tant que Belges, ce qui se passe en ce moment en France ne peut pas nous laisser indifférents. Pas seulement parce que la France est le principal pays de nos vacances, pas seulement parce que nous partageons la même langue et la même culture, mais aussi pour des raisons économiques.
La France est très influente en Belgique, au travers de ses entreprises, que ce soit BNP Paribas, Engie ou tant d’autres. De plus, la France est un client et un fournisseur important pour la Belgique. Il faut aussi noter que la France est la deuxième économie de la zone euro après l’Allemagne, et que si elle dérape sur le plan économique, nous en payerons aussi le prix.
En cette fin de semaine, on peut déjà faire plusieurs remarques. La première, c’est que personne n’a compris pourquoi Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale et décidé d’organiser des élections législatives à 15 jours de l’ouverture des Jeux Olympiques. C’est un choix sidérant, comme le faisait remarquer la journaliste politique Catherine Nay. D’autres pensent que Macron vient de créer la dissolution à la japonaise : la mort politique plutôt que le déshonneur, le harakiri à la française. L’expression est jolie mais on espère tous que ce n’est pas ça qui a motivé Macron.
L’autre constat en cette fin de semaine, c’est que Macron a voulu secouer ses compatriotes et leur faire peur en criant au loup. Le loup, ce sont les autres partis, et en particulier le RN. Tant Macron que Bruno Le Maire, son ministre des Finances, disent que si le RN arrive au pouvoir, c’est la signature de la France qui serait en péril sur les marchés financiers. Ils disent que si le RN applique son programme, une crise de la dette publique aura lieu.
À un autre moment, Macron a même fait peur aux Français en leur disant que les taux d’intérêt augmentent, que les marchés s’affolent, que les partenaires de la France s’inquiètent, que le crédit va devenir plus cher, et que les salariés, les retraités, les épargnants vont s’appauvrir. Le résultat pour l’instant, validé par sondages interposés, c’est qu’en criant au loup, Emmanuel Macron n’a pas obtenu le résultat espéré. Ce n’est pas le méchant loup qui a effrayé les Français, mais le berger, pour reprendre la jolie formule de Catherine Nay.
Oui, bien sûr, le secteur bancaire a été secoué cette semaine à la Bourse de Paris. Oui, bien sûr, les taux d’intérêt sur la dette publique française se sont aussi tendus et l’écart de taux entre le bon élève allemand et le cancre français s’est élargi, ce qui montre que les marchés financiers commencent à se méfier doucement de la dette française. Oui, tout cela est vrai et important, d’autant plus que 53% de la dette française est détenue par des investisseurs étrangers, surtout des fonds de pension anglo-saxons, des fonds souverains chinois et quelques émirs du pétrole.
Mais bon, le berger qui crie au loup n’est plus plausible auprès de ses concitoyens. D’abord parce qu’il a laissé en jachère des tas de sujets chers aux Français, et qu’en plus, il n’a aucune leçon d’économie à donner à la gauche ou à la droite radicale. Même un quotidien de droite comme Le Figaro reconnaît que Macron a été le roi des déficits budgétaires sous la Vème République. Et donc sa stratégie, qu’on pourrait résumer par un « moi ou le chaos », n’effraie pas, à tort ou à raison, les Français.
Pourtant, la France n’a pas les moyens financiers d’essayer le chaos. La seule certitude aujourd’hui, c’est que Macron a fait entrer la France dans une période d’incertitude sans précédent. Son « moi ou le chaos » n’est pas la réponse adéquate à la colère d’un peuple. Il vient de le découvrir, mais c’est trop tard, la boîte de Pandore est ouverte.
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