Typhanie Afschrift

Faut-il vraiment défendre la “Slow fashion”?

Typhanie Afschrift Professeure ordinaire à l'Université libre de Bruxelles

Si l’on veut vraiment remplacer la “fast fashion” par de la “slow fashion”, il faut expliquer au consommateur que cela lui coûtera beaucoup plus cher.

A l’initiative, notamment, d’une ministre bruxelloise évidemment écologiste, et avec la participation d’autres politiciens représentants des grandes villes européennes, une “déclaration pour la slow fashion a été signée récemment. Il ne s’agit pas d’une initiative étatique mais seulement de représentants isolés ayant des responsabilités au niveau régional ou local.

Plus que de défendre la “slow fashion”, les signataires de cette déclaration combattent en fait la fast fashion. Pourtant, dans la mode, s’est imposée rapidement la tendance à créer de plus en plus rapidement de nouveaux modèles, à les mettre à la disposition des consommateurs dans des délais de plus en plus courts, sans attendre le rythme traditionnel des saisons. Aux grandes marques, particulièrement des groupes Inditex (Zara et Bershka, notamment) et H&M, se sont ajoutées beaucoup d’autres firmes de plus petite taille, obligées de suivre la même tendance. Surtout, des géants chinois, dont le plus connu est Shein, se sont montrés performants.

Ceci répond incontestablement à une volonté des consommateurs: avoir des produits de plus en plus variés pour se distinguer le plus rapidement possible des autres, et à des prix toujours plus bas. Cette volonté est évidemment légitime. Elle fait partie de leur choix d’identité et il est piquant de constater que les plus efficaces dans ce domaine sont les Chinois, pays où après la révolution culturelle, pratiquement tout le monde portait une espèce d’uniforme citoyen…

Cela ne plaît visiblement pas aux hommes et femmes politiques qui ont signé la déclaration pour la slow fashion. On peut comprendre que l’on tente de faire accepter des normes écologiques, mais il est difficile de les imposer à la Terre entière et notamment à l’Asie qui compte non seulement des firmes présentes sur le marché mais aussi d’autres qui fabriquent pour les grandes marques européennes et américaines, alors que de telles normes, notamment en matière de consommation de coton, n’existent toujours pas dans les pays européens.

Plus on impose des contraintes aux fabricants, plus les prix augmenteront.

Il est encore moins évident d’imposer des normes sociales dans les pays où la mode est produite. Ces normes existent certes en Occident, mais si ces pays ont la chance d’avoir des commandes et de faire vivre leurs habitants, c’est précisément parce que le recours à la main-d’œuvre y est moins cher. On peut s’attendre à des pertes d’emplois colossales s’ils sont un jour obligés d’appliquer des normes sociales, et donc des coûts salariaux comparables à ceux de l’Europe. Surtout, plus on impose des contraintes aux fabricants, plus les prix augmenteront. Or, si les consommateurs d’aujourd’hui se tournent vers la fast fashion, c’est notamment en raison de son prix. Parce que la slow fashion est en général beaucoup plus chère.

Alors, il faudrait être correct lorsque l’on fait une proposition politique. Si l’on veut vraiment remplacer la fast fashion par de la slow fashion, il faut expliquer au consommateur que cela lui coûtera beaucoup plus cher et que son pouvoir d’achat sera plus réduit, et aussi qu’il aura moins le choix et que sa garde-robe sera moins remplie. C’est évidemment moins porteur en matière de marketing politique, mais ce sont des conséquences inévitables d’une telle proposition.

Il est possible que les produits de Dior respectent beaucoup mieux les règles de la slow fashion que ceux de certaines marques chinoises, mais ils sont évidemment beaucoup moins accessibles. Il n’est pas correct de présenter fast fashion et slow fashion comme de simples concurrents qui se différencieraient seulement par le respect de l’environnement et des travailleurs, sans parler du fait que leurs prix n’ont en général rien de comparable.

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