Amid Faljaoui

Facturer du temps n’a plus de sens, c’est la fin des marges “faciles” pour les consultants

La société de consulting Accenture vient d’annoncer 11.000 licenciements. Un chiffre impressionnant, mais qui dit surtout une chose : un âge d’or est en train de se terminer.

Julie Sweet, la patronne de ce géant du conseil aux entreprises, l’a dit sans détour à la presse  : “Nous nous séparons rapidement de ceux qui ne pourront pas apprendre les compétences nécessaires.”

Derrière cette phrase dure et implacable, il n’y a pas seulement la réorganisation d’un grand cabinet de conseil. Il y a la fin d’un modèle qui a fait la fortune du conseil pendant des décennies : le business de la facturation du temps.

Et en effet, pendant longtemps, les cabinets de consulting facturaient des jours-hommes. Exemple : quatre jeunes consultants passaient un mois à produire un rapport, un partner venait deux heures au début  de la rencontre avec le client pour le rassurer avec ses cheveux gris et puis ce même partner revenait deux heures à la fin de la mission, et – hop –  la facture montait à plusieurs centaines de milliers d’euros.

Ce modèle fonctionnait parce qu’il y avait une asymétrie d’information : le client ne savait pas vraiment ce qui se passait derrière la porte de la salle de réunion. Il voyait un rapport bien présenté, des graphiques soignés, une conclusion validée par un grand logo (McKinsey, BCG ou Accenture). Et il payait, parce que ce logo apportait de la crédibilité.

Mais l’IA a fait voler ce système en éclats.

Ce que quatre juniors faisaient en un mois, une IA peut désormais le sortir en deux heures. Collecte de données, analyses comparatives, graphiques, synthèse : tout peut être automatisé à grande vitesse. Et surtout, les clients le savent.

Ce qui doit être facturé demain, ce n’est plus le temps, mais la valeur ajoutée réelle.

Résultat : facturer du temps n’a plus de sens. La valeur n’est plus dans le nombre d’heures passées, mais dans la pertinence du conseil au moment où il est donné.

Et ce constat ne concerne pas seulement les consultants. Il touche aussi les avocats, les comptables, tous les métiers qui vivaient du temps facturé.

Un avocat qui facture encore son heure sans expliquer sa stratégie, sa lecture fine d’un dossier ou sa capacité à éviter un procès, sera challengé par une IA capable de générer en quelques secondes un mémo juridique. Un expert-comptable qui facture des lignes de saisie sera concurrencé par un logiciel qui automatise tout.

Ce qui doit être facturé demain, ce n’est plus le temps, mais la valeur ajoutée réelle. La capacité à interpréter, à arbitrer, à donner du sens. À répondre à la vraie question du client : “Que dois-je faire lundi matin ?”

C’est un changement de paradigme : l’IA ne tue pas les professions intellectuelles, mais elle les oblige à se justifier.

Accenture, avec ses 11.000 licenciements, n’écrit pas seulement une page de son histoire. Elle illustre une mutation qui touche toutes les professions où l’on “vend du temps”.

La question n’est plus : “Combien d’heures avez-vous passé ?” Mais : “Quelle différence concrète avez-vous apportée ?”

Pour les entreprises, c’est une excellente nouvelle et des économies d’argent en perspective. Pour les consultants, c’est la fin des marges “faciles” et l’entrée dans un nouveau monde où il faudra advantage se justifier. Merci qui ? Merci l’IA !

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire