Bruno Colmant
États-Unis : quand la richesse ruisselle… à l’envers
À la redistribution sociale qui caractérise les, le néolibéralisme oppose la théorie du ruissellement — en anglais trickle-down theory — qui affirme que les revenus des individus les plus riches sont réinjectés dans l’économie, contribuant ainsi, directement ou indirectement, à l’activité économique générale et à l’emploi dans le reste de la société. Il faut donc libérer les plus nantis d’un impôt excessif.
Cette théorie fut, sans la nommer, exprimée par William Jennings Bryan (1860-1925), secrétaire d’État de Woodrow Wilson (1856-1924), président des États-Unis de 1913 à 1921, mais énoncée pour la première fois en 1932 par un humoriste américain, Will Rogers, qui moquait le programme de baisse d’impôts du président Herbert Hoover (1874-1964, président des États-Unis de 1929 à 1933).
C’est cette théorie qui conduisit, dans les années 1980, à baisser la charge fiscale sur les plus riches afin que leurs patrimoines et revenus soient affectés à la prospérité des moins fortunés. Le ruissellement est donc aux antipodes des théories keynésiennes qui sous-tendent le concept d’État social. On retrouve dans cette opposition la différence de vue entre les États-providence européens (terme utilisé dès la Révolution française de 1848, mais dont la paternité revient à un parlementaire du Second Empire en 1864) et le contexte néolibéral qui promeut la prévoyance individuelle.
Il faut cependant noter que le ruissellement semble avoir plutôt fonctionné en sens inverse, c’est-à-dire que la richesse est passée des moins riches vers les plus fortunés, avec un accroissement des inégalités sociales aux États-Unis.
En 2015, le FMI a d’ailleurs publié une étude intitulée “Causes and Consequences of Income Inequality : A Global Perspective’ dont la conclusion tient en ces quelques lignes édifiantes : « Les facteurs d’inégalité varient considérablement d’un pays à l’autre, mais certains facteurs communs sont la prime de compétence associée au changement technique et à la mondialisation, l’affaiblissement de la protection du travail et le manque d’inclusion financière dans les pays en développement. Nous constatons que l’augmentation de la part des revenus des pauvres et de la classe moyenne accroît en fait la croissance, tandis que l’augmentation de la part des revenus des 20 % les plus élevés entraîne une baisse de la croissance – autrement dit, lorsque les riches s’enrichissent, les bénéfices ne se répercutent pas sur les autres. »
Cela rappelle la courbe de Laffer. Mais ceci sera l’objet de ma chronique de la semaine prochaine.
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