Amid Faljaoui

Et si le véritable indicateur du bonheur national… c’était la durée du repas en famille ?

C’est ce que révèle, de manière presque dérangeante pour les économistes classiques, le World Happiness Report 2025 publié par l’ONU et Gallup.

Comme chaque année, les pays nordiques dominent le classement. La Finlande arrive en tête, suivie du Danemark, de la Suède, de la Norvège. Des pays riches, oui — mais surtout des pays où la confiance dans les autres reste forte. Des sociétés où l’on rend un portefeuille trouvé dans la rue. Où l’on continue à partager des repas, ensemble.

Mais cette année, deux pays inattendus s’invitent dans le top 10 mondial : le Costa Rica et le Mexique. Pas des champions du PIB. Pas non plus les mieux classés sur le plan des inégalités. Alors comment expliquer leur percée dans ce classement du bonheur ?

Une réponse : la force du lien social. Des familles nombreuses. Des repas pris à plusieurs. Des traditions où le repas reste un moment structurant. Les chercheurs vont jusqu’à mesurer la taille optimale d’un foyer pour maximiser le bonheur : quatre à cinq personnes. À ce stade, le collectif devient un amortisseur émotionnel puissant.

“Le repas est l’un des derniers moments réellement anticapitalistes”

Ce constat, étonnamment, rejoint une réflexion de Jacques Attali : « Le repas est l’un des derniers moments réellement anticapitalistes. »

Un moment gratuit, improductif, non-marchand. Un moment où l’on n’achète rien, où l’on ne vend rien. Où l’on parle, où l’on rit, où l’on crée du lien.

Et c’est justement pour cela que tout a été fait depuis un siècle pour l’effacer : grignotage, plats industriels, restauration ultra-rapide, sucre omniprésent. Le temps du repas s’est effondré. Il est devenu une fonction logistique, alors qu’il fut longtemps un pilier de la cohésion sociale.

Résultat ? Dans certains pays, le nombre de repas pris seuls a explosé. Et avec lui, les indicateurs de détresse : isolement, dépression, addictions. Des phénomènes que l’on regarde souvent sous un prisme sanitaire, alors qu’ils sont profondément économiques.

Le repas collectif comme véritable stratégie de résilience sociale

Et si la vraie question n’était plus seulement “combien produisons-nous ?”, mais “combien de temps passons-nous ensemble, autour d’une table ?” Et si la relance du repas collectif devenait une véritable stratégie de résilience sociale ?

Le bonheur a encore un goût. Celui d’un plat cuisiné maison, partagé avec quatre autres personnes. Ce n’est pas très scalable. Mais c’est redoutablement efficace.

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