Et si la Russie avait déjà gagné ?

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Amid Faljaoui

Dans les médias, c’est la règle, une information chasse l’autre. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas s’interroger. Par exemple: comment se fait-il que, malgré les plus grandes sanctions économiques jamais mises en place à l’égard d’un pays, l’économie de la Russie tient encore debout ?

Récemment Vladimir Poutine s’est excusé auprès de ses compatriotes. Pas d’avoir envahi son voisin ukrainien, non. Mais bien parce que le prix des œufs a explosé : + 60% en un an. Dans la foulée le PDG du plus grand élevage de volailles en Russie, le roi des œufs, fera l’objet d’une enquête menée par le gouvernement russe pour tenter de cerner l’origine de cette augmentation. Selon le Wall Street Journal il a même été la victime d’une tentative d’assassinat. Mais hormis cette anecdote, la Russie tient le coup.

Surtout, elle continue à vendre son pétrole et son gaz. Certes, au rabais, mais elle le vend au monde entier grâce à l’aide de pays comme la Chine, la Turquie ou encore des pays du Golfe. Et nous, européens, nous autres en Occident, nous faisons semblant de ne pas reconnaître l’origine de nos importations de pétrole. Et, comme le dit l’excellent commentateur boursier Marc Fiorentino, qu’importe si on a grossièrement changé l’étiquette d’origine sur les barils de pétrole.

Dans un autre registre, l’historien et anthropologue Emmanuel Todd révèle qu’en réalité la Russie a déjà gagnée. Et ce n’est pas n’importe qui car il est l’un des rares à avoir prédit l’effondrement de l’empire soviétique. Au journaliste du Figaro qui lui dit que la Russie n’a pas encore gagné, mais qu’on est plutôt dans une forme de statu quo, il répond que ce statu quo est bidon. Dans son dernier livre intitulé sobrement « la défaite de l’Occident », il écrit: « les Américains vont effectivement chercher un statu quo qui leur permettrait de masquer leur défaite. Sauf que les Russes ne l’accepteront pas. Ils sont conscients de leur supériorité industrielle et militaire immédiate, mais aussi de leur faiblesse démographique ». Poutine chercherait donc à atteindre ses objectifs, mais en économisant ses hommes. Il sait que les classes creuses démographiquement arrivent. Et que par conséquent le recrutement militaire sera dans quelques années (3 à 5 ans maximum) plus difficile.

En toute logique, les Russes doivent donc abattre l’Ukraine et l’Otan maintenant. Ce qui va se traduire par une intensification de  l’effort de guerre russe, contrairement à ce qu’on pense chez nous. C’est aussi pour cela que tous les pays en Europe ont peur d’une victoire de Trump en novembre prochain. Ce dernier n’a pas fait mystère du fait qu’il arrêtera toute aide à l’Ukraine une fois qu’il sera à la Maison Blanche. Si c’est le cas, tous les discours que nous avons entendus pendant des mois sur la nécessité d’aider ce pays ami n’auront servi à rien. Et comme l’Europe n’est même pas capable de se défendre elle-même sans le parapluie américain, la messe sera dite. De quoi pousser vers un autre danger. Les populations occidentales risquent alors de se retourner contre leurs dirigeants en leur demandant le sens de tous ces efforts budgétaires si, à la fin, c’est tout de même Moscou qui gagne. Et la grogne sera forte, surtout si les élections européennes amènent une vague d’eurodéputés d’extrême droite souvent sensibles aux propos de Poutine.

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