Amid Faljaoui
Ecologie, empilement débile des lois et paupérisation des Belges
Et si pour une fois, nous étions polémiques, que nous discutions tous ensemble, sans langue de bois, et avec beaucoup de franchise ? Cela serait pas mal non ? Je lance donc le pavé dans la mare et en espérant que j’aurai beaucoup de réactions à ma chronique qu’elles soient positives ou négatives. Les Américains disent que Feed Back is a Gift.
Allons-y donc, nous sommes tous d’accord pour affirmer haut et clair qu’il faut sauver notre planète et sa biodiversité. Nous sommes tous d’accord pour inciter les entreprises et les citoyens à devenir plus vertueux et plus respectueux de la nature. Pas une personne au monde ne conteste cela. Mais reste encore la méthode et surtout le rythme. Aujourd’hui, chaque gouvernement et la Commission européenne y vont de leur petite ou grande mesure pour l’environnement ; magnifique, bravo, rien à dire. Sauf qu’à force d’empiler (oui c’est le bon verbe) à force d’empiler les lois et les contraintes, nos politiques jouent aux apprentis sorciers. En clair, comme le disent mes confrères du quotidien économique Les Échos, ces mesures très souvent punitives risquent de nourrir le ras-le-bol des classes populaires et des classes moyennes. Pas parce que ces mesures sont mauvaises dans l’absolu, mais parce qu’elles arrivent toutes en même temps, sans concertation entre les différents niveaux de pouvoir : Commission européenne, État, villes, et communes. C’est ce trop-plein de textes qui risque de tuer à petit feu nos concitoyens qui sont les plus démunis, qui sont les plus fragiles socialement et financièrement.
Comme toujours les bonnes intentions provoquent des drames pas toujours évalués par des politiques myopes. Vous avez des doutes contre mes attaques ? Regardez l’interdiction de l’entrée de certains véhicules dans les grandes villes ? Qui est le premier affecté ? Mais les plus pauvres parmi nous qui ne peuvent pas se payer une voiture électrique et qui doivent aller au centre-ville pour gagner leur croûte. Changer de voiture, oui, c’est possible, sauf que les prix des voitures neuves et d’occasion ont atrocement augmenté.
Regardez ces législations qui veulent imposer la rénovation de nos maisons et de nos appartements. Superbe idée, le bâtiment est aussi à l’origine du CO2. Sauf que là encore, ceux et celles qui habitent dans des passoires thermiques sont parmi les plus pauvres de la population. Sans une aide de l’État, ils n’ont pas les moyens d’isoler leur habitation. Et dans certains cas, c’est pire encore, les travaux sont tellement importants qu’ils feraient mieux de raser leur bien et en construire un nouveau, mais avec quel argent mesdames et messieurs ? Même chose pour la nourriture des ménages les plus fragiles ; l’inflation les a contraints à bouder les rayons bio, et donc, ce sont les classes moyennes et populaires qui se nourrissent aujourd’hui les moins bien. Les vacances parlons-en. Je lisais hier qu’en Belgique, les réservations d’été faisaient un tabac auprès des voyagistes. Mais qui va voyager ? Toujours les mêmes et pas ceux ou celles dont j’ai parlés, eux vont rester scotchés sur le plancher des vaches et on leur promettra de découvrir le terroir local avec des trémolos dans la voix.
Je ne dis pas que c’est mal, je dis qu’on leur réduit leur choix et qu’on risque de créer un ressentiment de classe. Donc, oui, la tyrannie du bien reste une tyrannie en dépit des propos lénifiants des uns et des autres. Et l’Europe n’est pas en reste non plus, en interdisant les moteurs thermiques en 2035, mais sans aide de l’État, sans bornes supplémentaires, sans baisse du prix des voitures électriques, on est en train de paupériser une bonne partie de notre population. Et puis, on s’étonne qu’elle vote aux extrêmes, les mêmes qui oublient de dire qu’ils sont à l’origine de ces textes et règlements punitifs.
Je crois qu’il faut juste se souvenir de la déclaration de l’ancien président Georges Pompidou, juste avant mai 68, comme le citent mes confrères des Echos : « Mais arrêtez d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays. On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays ! » – fin de citation. Remplacez juste « Français » par « Belges » et vous aurez exactement le même esprit. Et vous vous en pensez quoi ?
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