Eddy Caekelberghs

Dura lex sed lex: l’Etat de droit est bafoué de partout

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Des politiques cherchant à échapper à la justice : ces temps-ci, les affaires du genre se multiplient. Au Parlement européen avec un Quatargate enlisé. Perquisitions, mandats d’arrêt, prison, “repentis”, la belle affaire ! Chez nous avec Conner Rousseau condamné par les siens pour des propos racistes assumés lors d’une soirée arrosée ; chez nos voisins français où un ancien président de la République est attrait devant les tribunaux. En Italie où un ancien Premier ministre décédé sous les honneurs (que l’on surnommait Il Cavaliere) a couru les mandats pour éviter les cours et tribunaux ; un exemple suivi fidèlement par l’actuel et inoxydable Premier ministre israélien.

Puis le cas catalan au point de voir un leader indépendantiste et sécessionniste se cacher en Belgique pour éviter la prison tandis que ses collègues sont derrière les barreaux. Tout en négociant l’amnistie contre un appui au gouvernement.

Et d’Etat de droit, il en est aussi et encore question en Pologne où l’ancien ministre de l’Intérieur et son ex-secrétaire d’Etat sont sous mandat d’arrêt, interpellés au siège même de la présidence de la République. Tous deux avaient été condamnés en appel à deux ans de prison ferme pour abus de pouvoir. Après un premier jugement, le président Andrzej Duda leur avait accordé la grâce en 2015, grâce invalidée en juin dernier par les juges de la Cour suprême. Avec à la clé une arrestation spectaculaire au palais présidentiel qui les abritait.

La “res publica” est bafouée de partout. La démocratie encaisse.

A Varsovie, le quotidien “Rzeczpospolita” évoque une politique polonaise caractérisée par des mondes parallèles : “L’Etat de dualisme juridique dans lequel nous nous trouvons de facto rappelle le film Matrix, mais en encore plus vertigineux. Il n’y a pas une seule pseudo-réalité artificielle, mais deux. Dans chacune d’entre elles, des gens n’hésitent pas à jongler avec les textes de loi, la glose de juriste, les jugements et le jargon juridique pour prouver sans sourciller que seul leur monde est réel. Parmi les habitants de chacun de ces univers, rares sont ceux qui veulent s’en échapper et qui comprennent que c’est là le seul salut”.

Et que dire encore des Etats-Unis où le président-­candidat en exercice est sous procédure d’impeachment par un dévoiement devenu courant de l’arme atomique politicienne, tandis que son probable challenger, ex-président des Etats-Unis, fait l’objet d’interdictions de se présenter dans certains Etats pour complicité (réputé instigateur même) de complot contre l’Etat. Le tout avec des discours électoraux où Trump promet, en cas d’élection favorable, de mettre en prison ses opposants démocrates et les “traîtres” de sa mouvance (propos illustrés par des camionnettes “carcérales” qui circulent avec sa pub électorale !). Mais où le même Trump déclare par deux fois ces derniers jours qu’il “sera dictateur le premier jour” de sa présidence. Sans hésiter !

La “res publica” est bafouée de partout. La démocratie encaisse. En Equateur sous coup d’Etat ; en Argentine sous populisme aigu où le président fraîchement élu déclare vouloir supprimer le Parlement pour gouverner seul ; en Russie où l’on ne sait plus quoi dire pour maquiller l’autoritarisme stalinien rétabli.

La démocratie est chose fragile comme le dit l’hebdo polonais Gość Niedzielny : “elle n’a pas besoin de chars russes pour péricliter, puisque les politiques du pays se chargent eux-mêmes de le faire à coup de tweets”. Et pourtant comme l’écrit Berlingske au Danemark : “C’est dans les urnes que les élections doivent se jouer, et non par le biais d’une mesure judiciaire qui sème la défiance”.

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