Eddy Caekelberghs
Europe: un devoir de mémoire s’impose
L’époque voit la mémoire collective défaillir par rapport aux idéologies et aux horreurs du passé. Or celui qui ne connaît pas son histoire est condamné à la revivre. Jamais, jusqu’à aujourd’hui, l’Autriche n’a été appelée à un réel travail de dénazification. Non, l’Autriche n’a pas boudé le nazisme ni été sa victime. Diminué, affaibli et humilié par la chute de l’empire austro-hongrois, le pouvoir à Vienne a reçu les appels du führer nazi, lui-même né en Autriche. Les foules qui l’acclament lors de son entrée à Vienne en témoignent encore en images. La fureur antisémite en témoigne à suffisance. Plus un mot aujourd’hui.
L’Autriche, membre de l’UE, offre les clés de sa Chancellerie à l’extrême droite, avec la complicité du parti conservateur chrétien, comme par le passé lorsque les partis conservateurs chrétiens allemands ou autrichiens apportèrent leur concours – le président Hindenburg en tête – à l’entrée de Hitler à la Chancellerie à Berlin.
En Italie, le parti au pouvoir – Fratelli d’Italia – est plus à l’extrême encore que les séides du MSI de Gianfranco Fini, le compagnon de route de feu Berlusconi. Le 3 janvier 1925, Benito Mussolini prononçait un discours devant le Parlement italien considéré comme le point de bascule vers le totalitarisme. Cent ans plus tard, la nostalgie du fascisme revient en force dans la péninsule.
La France enterre Jean-Marie Le Pen, le fondateur du Front National. Dans l’embarras familial, non parce que ses idées seraient répulsives, mais parce qu’elles gênent la stratégie de lissage pour accéder au pouvoir. Et les Rassemblements successivement “bleu marine” et “national” sont toujours le pôle principal vers lequel (stratégie du père Le Pen) on essaie de concentrer les votes (sinon les adhésions) des franges radicales de l’axe noir.
La liste est longue de cette litanie des fléaux que l’extrême droite banalisée a su imposer dans notre discours, nos têtes, nos urnes voire nos politiques !
Et que ce soit à Budapest en Hongrie, à Bratislava en Slovaquie, à Varsovie en Pologne (avec un PiS sur le retour) ou à Madrid en Espagne voire ailleurs : partout les dégâts sont visibles. Démocratie affaiblie, critiquée, utilisée mais vilipendée, tentation du repli sur soi (les étrangers dehors !), clivages et haine (racisme et antisémitisme), pouvoirs et services publics critiqués, affaiblis, voire plus : la liste est longue de cette litanie des fléaux que l’extrême droite banalisée a su imposer dans notre discours, nos têtes, nos urnes voire nos politiques !
Trump nomme un Musk ministre à la destruction des services publics américains (déjà si fragiles), un Musk qui soutient ouvertement le parti d’extrême droite allemand AfD qui, là aussi, guette le moment du pouvoir. Et chez nous (où l’extrême droite et le nationalisme régionaliste flamands caracolent), deux écoles doivent être poussées dans le dos par des pouvoirs communaux hésitants pour assister à la pose de pavés de mémoire, commémorant la déportation et l’extermination de Juifs ayant habité cette adresse et qui furent conduits à l’annihilation bien avant que les horreurs proche-orientales – utilisées comme “argument” d’absentéisme mémoriel – ne fassent irruption.
Ici où – en copie d’une politique sarkoziste qui a démontré ses errances in fine dans les urnes – un président de parti, sans concertation, admet dans ses rangs des “repris” extrémistes d’une défunte formation Chez nous au nom de la “seconde chance” qui devrait être offerte à tous. Ayant au passage abîmé une certaine idée du libéralisme, y compris chez la première femme Première ministre du pays qui a donc rappelé les limites du modèle. Et la seconde ou troisième chance de la mémoire, il reste qui, in fine, pour y veiller ?
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