Amid Faljaoui
Comment “Le Monde” et le “FT” ont vendu leur âme à OpenAI
Et si nous parlions du diable et des médias ? Je relie ces deux mots car certains médias (et non des moindres) ont clairement conclu un pacte faustien.
L’expression tire son origine de la littérature allemande dans laquelle le héros, Faust, accepte de vendre son âme au diable en échange de la connaissance universelle. Bien entendu, ce contrat le mènera à sa perte mais comme il a signé ce contrat avec son sang, il ne pourra plus changer d’avis.
Je me demande et je ne suis pas le seul à me poser la question: est-ce que certains médias n’ont pas signé un contrat faustien avec OpenAI, la maison mère de ChatGPT ? Quelques mots d’explication : vous savez que si l’intelligence artificielle est aussi forte aujourd’hui, c’est parce que, comme le dit le Dr Laurent Alexandre, nous sommes les “idiots utiles” de l’IA. En clair, en surfant sur intenet, nous laissons des tas de données numériques qui sont utilisées pour nourrir cette même intelligence artificielle. Formulé autrement, nous donnons aux ingénieurs de l’IA la corde qui servira à nous pendre, comme le prédisait Lénine pour les capitalistes.
C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui avec ChatGPT. Les algorithmes de ce dernier se sont nourris de milliards de textes, photos et vidéos disponibles gratuitement sur le web. C’est ce qui permet à ChatGPT de fournir les réponses à nos questions. Mais voilà, après avoir asséché internet, ce qui compte aujourd’hui, ce sont les données de qualité et notamment celles liées à l’actualité. Or, qui détient ces informations sinon les médias ?
Afin d’éviter quelques procès en infraction sur la loi du copywriting, la direction d’OpenAI a décider de négocier au cas par cas (diviser pour mieux régner) des contrats de redevance avec des médias de qualité. Résultat: on a vu le quotidien Le Monde signer ce contrat et le Financial Times, la bible du monde des affaires, lui a emboîté le pas, tout comme quotidien espagnol El Pais, sans oublier la puissante agence de presse Associated Press.
A moyen terme, OpenAI et ses concurrents risquent de devenir des sites de destination qui suffiront aux lecteurs.
Bref, grâce à ces contrats ou pactes faustiens, ces éditeurs de journaux ont décidé de faire cavalier seul pour pouvoir encaisser une redevance en contrepartie d’un accès à des dizaines de millions d’articles de bonne qualité qui permettront à ChatGPT d’apprendre le journalisme à ses algorithmes. Hélas, comme le faisait remarquer le spécialiste des médias Frédéric Filloux, tous ces accords entre ces médias de référence et OpenAI sont autant “de clous qui viendront sceller le cercueil de l’information de qualité”.
Pourquoi déclare-t-il ça ? Parce que ces médias sont tous des Faust en puissance car ils ont joué sur le court terme ! Bien sûr, ils vont encaisser une redevance, mais dans trois ou quatre ans, ils devront renégocier leur contrat à la baisse avec OpenAI, tout en sachant que l’IA pourra peut-être se passer de leurs services ! L’autre danger à moyen terme, c’est que OpenAI et ses concurrents deviendront des sites de destination qui suffiront à leurs lecteurs et les médias risquent de le regretter amèrement.
D’ailleurs, les médias sont aussi attaqués par Elon Musk, propriétaire de Twitter, qu’il a rebaptisé X. La semaine dernière, il a annoncé qu’il allait lui aussi utiliser l’IA pour résumer l’actualité. Sauf que lui, il va y parvenir sans même rémunérer les médias alors que ce résumé de l’actualité sera forcément basé sur le contenu de ces mêmes médias qu’il déteste tant.
Au final, les médias sont aujourd’hui confrontés à un sacré défi. L’IA peut leur permettre d’offrir de nouveaux services, et notamment d’individualiser leur offre éditoriale et leur fournir ainsi un second souffle, mais cette même IA peut aussi les dézinguer. Il paraît que les optimistes ont inventé l’avion et les pessimistes le parachute. Pour notre part, chez Trends-Tendances, nous restons dans l’avion !z
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