Eddy Caekelberghs

La COP30 laisse un goût de cendres: une fois encore, pétrole, charbon et gaz s’en sortent indemnes

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

La COP30 laisse un étrange goût de cendres. On a parlé de forêts, de minerais, de fonds pionniers, de nouveaux forums et de belles “trajectoires” mais, au moment de refermer les portes de Belém, pétrole, charbon et gaz sortent une fois encore indemnes du grand théâtre climatique. La planète brûle à petit feu, et la réponse diplomatique ressemble à ces extincteurs vides qu’on accroche au mur pour rassurer les passants, en sachant très bien qu’ils ne fonctionneront plus le jour de l’incendie.

Il faut dire que le monde a “d’autres soucis”, comme le souligne la presse turque : l’absence remarquée des États-Unis, de leurs délégués comme de leurs grandes chaînes de télévision, dit tout de la hiérarchie des priorités. Quand l’horizon mental s’arrête à la prochaine élection, au prochain conflit ou au prochain cours de Bourse, l’idée de se soucier de la planète dans 40 ans relève presque de l’indécence morale. La prophétie de Carl Sagan, évoquée en passant, flotte comme le souvenir flou d’un temps où l’on croyait encore que la science pouvait infléchir la décision politique et rappeler aux puissants qu’ils habitent, eux aussi, ce “point bleu”.

Sur la forme, le verdict est connu : ces grands-messes sont devenues des raouts coûteux où la COP ne produit plus qu’un consensus minimal, salué comme le plus faible jamais adopté, aussitôt recyclé en “base de travail” pour la prochaine conférence. On en vient à rêver de formats resserrés, de coalitions ciblées sur les forêts, l’agriculture, les océans ou la santé, comme si la fragmentation des enceintes pouvait miraculeusement compenser la fragmentation des volontés. À Belém, on n’a pas seulement constaté l’impuissance des États à parler d’une seule voix ; on a exposé, une fois de plus, l’écart obscène entre les sermons de 2015 et les renoncements méthodiques qui ont suivi, au nom du réalisme économique, de la souveraineté énergétique ou de la “transition pragmatique”.

La COP30 aura au moins évité de donner le coup de grâce à ce qui subsiste de diplomatie climatique.

Pourtant, certains persistent à voir dans cette COP un “mouvement” : un nouveau forum, l’intégration des minerais critiques à l’agenda, un fonds de 5,5 milliards de dollars pour protéger les forêts tropicales, quelques plans d’action sur la santé ou les océans. C’est la nouvelle liturgie du temps : quand on ne peut pas interdire, on régule à la marge ; quand on ne veut pas changer la logique, on crée des plateformes, des partenariats, des clubs de discussion et des feuilles de route aux sigles rassurants. Les marchés, eux, avancent déjà, aiguillonnés par la baisse des coûts des renouvelables et l’essor technologique, comme si la main invisible pouvait, par un ultime miracle, refroidir l’atmosphère après l’avoir si longtemps chauffée, sans jamais toucher au cœur fossile du système.

Reste le décor institutionnel, vacillant mais toujours debout : une fragile architecture multilatérale bâtie en 70 ans, minée de l’intérieur par la prolifération des vétos, des coalitions de blocage et des calculs à court terme. La COP30 aura au moins évité de donner le coup de grâce à ce qui subsiste de diplomatie climatique, dernier théâtre où l’on feint encore de parler au nom de l’humanité entière, avec le sérieux compassé des communiqués finaux. Mais voir dans cette survie même un motif d’espérance, c’est accepter que l’ambition se réduise à retarder la ruine totale du dispositif, pendant que la maison commune continue de brûler – au ralenti, étage après étage – sous les applaudissements polis des actionnaires du désastre, satisfaits que l’incendie reste, pour l’instant, circonscrit aux quartiers pauvres de la planète.

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