Une chronique d’Amid Faljaoui.
Ce matin, j’ai lu un article qui m’a presque donné envie d’être optimiste. Il expliquait que la crise politique à Bruxelles – pas de gouvernement, pas de budget – n’inquiétait absolument pas les investisseurs. Et en refermant l’article, on peut vraiment se dire : “Finalement, le pire n’aura pas lieu.” Pourquoi ? Parce que l’article donne trois arguments très rassurants.
Premier argument : les taux des emprunts bruxellois ne bougent pas. Autrement dit, les gens qui prêtent de l’argent à la Région ne demandent pas d’intérêt plus élevé. Et comme, d’habitude, les taux montent quand les prêteurs ont peur, on pourrait croire qu’ici… personne n’a peur.
Deuxième argument : le marché de la dette bruxelloise est minuscule. Il y a très peu d’obligations en circulation, et elles sont surtout détenues par de grands investisseurs belges. Et comme ces investisseurs achètent ces obligations un peu comme on achète une maison – pour la garder longtemps, parfois dix ou vingt ans – et on se dit que tout est sous contrôle.
Troisième argument : et si jamais Bruxelles avait un vrai problème, l’État fédéral serait là pour la soutenir. Même si ce n’est écrit nulle part, beaucoup d’investisseurs le pensent : la Belgique ne laissera jamais tomber une Région.
Une illusion
Voilà pourquoi cet article est si apaisant. On le lit, et on respire. Sauf que… tout cela repose sur une illusion. La ou plutôt les raisons ?
Prenons le premier point : les taux ne bougent pas. Ce n’est pas forcément bon signe. Imaginez un appartement qui ne se vend jamais : son prix affiché ne bouge pas, mais ça ne veut pas dire qu’il est en bon état… ça veut juste dire que personne ne s’y intéresse. C’est exactement ça ici : si personne n’achète ou ne revend ces obligations bruxelloises, le taux n’a aucune raison de bouger. Ce n’est pas un signal de santé, c’est juste un écran figé.
Deuxième point : le marché est petit et personne ne revend ses obligations. Là encore, ce n’est pas rassurant. C’est comme un village où tout le monde garde sa maison, même si elle se détériore, parce qu’il n’y a ni acheteurs ni alternatives. Le prix reste stable… mais uniquement parce qu’il n’y a pas de marché. On ne voit rien, on ne mesure rien, on navigue dans le brouillard.
Troisième point : l’idée que l’État fédéral viendra toujours au secours des Régions. C’est peut-être vrai… jusqu’au jour où ce ne sera plus soutenable. Parce que si Bruxelles dérape vraiment, ce ne sont pas seulement les finances de Bruxelles qui souffriront, mais celles de tout le pays. C’est un peu comme si un membre de la famille avait des dettes : si vous payez pour lui, vous fragilisez aussi votre propre budget.
La réalité, c’est que Bruxelles n’est pas un territoire sans risque. La Région cumule déficit, retards politiques, besoins d’investissement énormes et tensions sociales. Rien de tout cela n’apparaît dans les taux… parce que les taux, aujourd’hui, ne reflètent plus grand-chose. Donc oui, l’article que j’ai lu est rassurant. Il fait du bien. Mais le calme actuel n’est pas un signe de solidité. C’est juste un silence statistique. Et parfois, en économie comme en météo, c’est justement le silence qui annonce que quelque chose se prépare.