Bourse: le rallye de fin d’année et les cireurs de chaussures

Amid Faljaoui

On assiste à un rallye boursier de fin d’année. Problème, cela attire des particuliers américains qui se font conseiller par des influenceurs. En 1929, juste avant la crise, les cireurs de chaussures de New York avaient aussi leur avis sur la bourse. Or les influenceurs sont les cireurs de chaussures d’aujourd’hui. C’est plus chic, mais les conseils sont toujours aussi nuls.

C’est reparti pour la Bourse ! Le mois de novembre qui vient de s’achever a été excellent pour la plupart des indices. Pour retrouver des indices boursiers aussi verts, il faut remonter au mois de novembre de 2020. Mois durant lequel nos scientifiques ont découvert un vaccin contre le Covid. On doit ce rallye à un espoir, un bonheur qui attend. Et ce bonheur attendu, c’est la baisse des taux.

Depuis deux ans maintenant, les taux d’intérêt n’ont fait que grimper. Et ça, c’est mauvais pour les actions et certains secteurs qui vivent de l’endettement comme le secteur immobilier. Un secteur qui a particulièrement souffert de cette hausse des taux jugée trop rapide et trop brutale. Mais voilà, la plupart des acteurs de la finance sont aujourd’hui persuadés que la hausse des taux d’intérêt arrive à sa fin. Ce qui signifie que tout le monde va enfin pouvoir souffler. Les ménages qui veulent emprunter pour acheter une maison ou un appartement. Les entrepreneurs qui pourront se financer à un taux plus raisonnable. Mais aussi les États surendettés qui n’aiment pas les taux trop élevés par peur de se retrouver asphyxiés avec des remboursements démesurés. A ce sujet le Financial Times a demandé à plusieurs économistes, quand, selon eux, la banque centrale américaine (la plus puissante au monde, celle qui donne le la aux autres banques centrales) allait baisser ses taux. Réponse : sans doute vers juillet 2024. C’était la une réponse d’économistes car les marchés financiers répondent à cette question tous les jours. Et eux pensent que cette baisse se fera bien avant, soit début 2024. Mais, à limite, peu importe s’ils ont raison ou non puisque la Bourse vit d’espoir. Et le simple espoir d’une baisse rapprochée des taux a suffi pour qu’elle reparte à la hausse. On assiste même, pour l’instant, à un rallye boursier de fin d’année. Je ne sais s’il va durer, mais il fait l’affaire des banquiers. Ces derniers pourront afficher auprès de leurs clients des rendements positifs pour 2023. Ce sont autant de clients qui n’iront donc pas à la concurrence. Et cela garantit également aux mêmes banquiers leur bonus. Ouf.  Plus désolant, mais pas vraiment étonnant, c’est que ce rallye attire des curieux. Un peu comme ces personnes qui s’agglutinent autour d’un accident, sauf qu’ici il s’agit de la hausse des taux. Il s’agit pour la plupart de particuliers américains qui  n’y connaissent généralement rien en Bourse. Mais comme ils voient que tout monte (les actions, l’or et les cryptomonnaies), ils se mettent à acheter des petites valeurs soldées qui prennent 200% en une journée avant de passer quelques jours plus tard en mode faillite. D’autres, plus culottés encore, suivent les conseils d’influenceurs boursiers. Des conseils qui sont bien souvent sont des leurres.

Tout cela me fait penser à John Rockefeller, le plus célèbre milliardaire de l’histoire américaine. Il avait coutume de dire qu’il avait vendu toutes ses actions juste avant la crise de 1929 quand son chauffeur lui avait demandé des conseils boursiers. Il est vrai qu’à cette même les cireurs de chaussures à New York avaient un avis sur l’évolution de la Bourse. Ces cireurs de chaussures portent aujourd’hui le nom d’influenceurs. C’est plus chic, mais les conseils sont toujours aussi nuls.

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