Bourse de Paris: le calme avant la tempête ?

Jean-Luc Melanchon
Jean-Luc Melanchon © Getty Images
Amid Faljaoui

Fameuses élections françaises. On a vu que les instituts de sondage se sont bien plantés. On a vu que les commentateurs et autres experts politiques se sont également mis le doigt dans l’œil.

Même le vénérable Alain Duhamel, l’un des meilleurs commentateurs politiques en France, l’a reconnu humblement. J’avais envie de dire que même les patrons et les économistes en sont aussi pour leur compte. Sinon comment expliquer que ce lundi, hier donc, la Bourse de Paris est restée calme ? Elle a même vogué dans le vert la plupart de la journée avant de concéder une légère perte de 0.63 % en fin de journée ce lundi soir. Quant aux taux d’intérêt qui devaient se tendre et prendre à la gorge les finances publiques de la France, ils se sont même légèrement détendus.

Mais attention : ce calme de la Bourse de Paris est en trompe-l’œil. Les investisseurs restent calmes car ils sont persuadés que le Nouveau Front Populaire ne pourra pas appliquer à la lettre son programme économique. Il faut dire que ce programme devrait se traduire par de nouveaux impôts de l’ordre de 150 milliards, avec le financement d’un salaire minimum à 1600 euros nets et un blocage des prix immédiats pour les biens de première nécessité. C’est vrai que le blocage des biens dans l’alimentation et les carburants figure en première ligne du programme économique du Nouveau Front Populaire. Comme le pouvoir d’achat est la préoccupation numéro un des Français, un blocage des prix est une mesure symbolique qui pourrait sécuriser les électeurs et envoyer un message aux citoyens du type : « nous avons compris que votre quotidien est compliqué et nous faisons le nécessaire pour y répondre ».

Vu comme ça, on se dit pourquoi pas ? Mais est-ce aussi simple de bloquer les prix de l’alimentation et des carburants ? Non, mais ça ce n’est pas le rôle des politiques d’expliquer l’envers du décor d’une mesure. Donc, on va tenter d’expliquer cela nous-même. D’abord, on a vu ce genre de mesure être pratiquée dans d’autres pays. Un gouvernement bloque les prix de certains biens. À court terme, ça fait du bien, et quelques mois après, il y a une pénurie du bien en question. Pourquoi ? Parce qu’un gouvernement peut bloquer les prix, mais il ne peut pas forcer une entreprise à vendre à perte (le NFP conteste cette vision et part du principe que les entreprises ont des marges qui sont à l’origine de la hausse de l’inflation). Donc, l’entreprise sera obligée de baisser sa production ou d’écouler ses produits dans d’autres pays avoisinants. Carrefour n’a pas que des supermarchés en France et pourrait très bien écouler ses produits ailleurs, en Belgique par exemple.

Le Nouveau Front Populaire pourrait imaginer de compenser les pertes des entreprises (peu probable). Mais si c’est le cas, un blocage de prix financé par l’État revient à faire payer au contribuable ce que le consommateur aura gagné – aucun intérêt. Et puis, prenons le cas du carburant, si son prix est bloqué, il va surtout profiter aux plus hauts revenus car les « riches » sont ceux qui consomment le plus de carburants. Il y aurait donc un effet d’aubaine qui ne profiterait pas aux électeurs du Nouveau Front Populaire mais aux électeurs de Macron. Avouez que ce serait drôle.

Bref, vous l’avez compris, dire que l’on va prendre des mesures par décret est une chose, les rendre applicables en est une autre. Le Diable se niche dans les détails, et le diable n’est ni de gauche ni de droite.

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