Pierre-Henri Thomas

BNB : quand le gouvernement témoigne d’un mépris total

Pierre-Henri Thomas Journaliste

Parmi les messages farfelus qui se répandent pendant les premières secondes de l’an neuf, l’un d’eux était : « je ne veux pas trop la ramener, mais je n’ai pas encore fait de conneries cette année. La maturité peut-être ? ». Ce message n’aurait toutefois pas pu être envoyé par les membres du gouvernement.

Les douze coups de minuit du 31 décembre ayant à peine fini de résonner, on savait déjà que la Vivaldi avait réalisé un faux pas majeur : celui de ne pas avoir officiellement reconduit Pierre Wunsch dans ses fonctions de gouverneur de la Banque nationale.

Pourtant, Pierre Wunsch n’a pas de « challenger ». Sa reconduction paraît acquise. Un nouveau mandat de 5 ans est acté. Mais il n’a pas été officialisé dans les temps, car au sein du gouvernement, qui est l’instance qui nomme le gouverneur, certains ont paralysé le processus de décision dans le but de faire avancer leurs dossiers.

Pour que l’on puisse quand même faire fonctionner une des principales institutions du pays (on parle quand même de la Banque nationale, co-responsable avec ses homologues de la zone euro de la politique monétaire, mais aussi le gendarme des banques et des assurances, l’institution qui récolte des données économiques majeures, qui gère la centrale des bilans…), le Conseil de régence de la Banque, brandissant le concept de continuité du service public,  a dû effectuer quelques contorsions juridiques : Pierre Wunsch peut poursuivre temporairement sa tâche avant d’être officiellement nommé, quand le gouvernement le jugera bon.

Cet épisode déplorable ne montre pas seulement que le gouvernement actuel est devenu incapable de prendre des décisions. Il ne témoigne pas seulement de la polarisation politique et de la paralysie du processus de décision. Il est aussi la traduction d’un mépris hallucinant de certains politiques (on va essayer de ne pas généraliser) à l’égard de leur fonction première qui est de gérer le pays et le bien commun. Si nous ne craignions pas d’employer des grands mots, nous dirions que c’est le signe d’un problème profondément éthique.

Car ne pas vouloir nommer dans les temps le gouverneur de la Banque nationale, c’est en effet montrer un mépris total à l’égard de l’institution qui est pourtant la clé de voute de notre système bancaire et monétaire, à l’égard de l’homme qui est aux commandes et qui est un des meilleurs gouverneurs que nous ayons eu à la tête de la BNB, mais aussi à l’égard des acteurs économiques (ménages, entreprises) qui en dépendent et à l’égard de la voix de la Belgique dans le concert des nations. Le gouverneur de la BNB siège en effet dans des instances capitales telles que la Banque centrale européenne et la Banque des Règlements internationaux, et sa non reconduction a bien évidemment suscité un grand étonnement à l’étranger.

Un prix Nobel d’économie, Daniel Kahneman, avait expliqué que nous fonctionnons tous selon deux systèmes de pensée. Le système 1, rapide, instinctif, émotionnel. Et le système 2, une réflexion plus lente que l’on mobilise quand il s’agit de résoudre un problème complexe. On a l’impression que le politique n’est plus guidé que par son « système 1 », et qu’il considère que toute la société fonctionne comme lui, de manière instinctive et immédiate, sans égard pour les problèmes complexes de gestion d’un pays, sans égard pour ses entreprises, ses citoyens, son image. Un vœu pour 2024 ? Que le politique récupère au plus vite son système 2 et avec lui le sens de la responsabilité.

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