Amid Faljaoui

Bataille commerciale: voitures électriques contre parmesan et roquefort!

La presse a raison de s’interroger : mais pourquoi donc, à chaque fois qu’il y a une bataille commerciale entre l’Europe et un pays externe, comme la Chine ou les États-Unis, ce sont des produits laitiers comme le roquefort, le parmesan ou le lait en poudre européen qui sont parmi les premières victimes de ces batailles commerciales ?

Bonne question : après tout, ces produits agricoles ne sont pas de produits à haute valeur ajoutée technologique ? Mais avant d’y répondre, je voudrais vous raconter une anecdote qui montre que si, nous autres Européens, nous sous-estimons les Chinois, eux, en revanche, nous connaissent très bien et surtout nos faiblesses. Je ne sais pas si vous vous souvenez de Pascal Lamy, cet ancien commissaire européen et directeur général de l’organisation mondiale du commerce, il nous répétait à l’envie qu’il ne fallait pas avoir peur des Chinois. Motif ? Il fallait accepter de commercer avec eux, car disait-il, nous devions accepter que la Chine nous inonde de tee-shirts bon marché, car c’était le prix à payer pour nous permettre de leur vendre des avions Airbus. Sous-entendu, ils nous vendent des produits à faible valeur ajoutée alors que nous autres Européens exportions des produits de haute technologie.

Mais quelle arrogance et quelle erreur dans cette phrase. Les Chinois ne se contentent plus aujourd’hui de fabriquer des tee-shirts, mais ils fabriquent aussi des trains électriques, des centrales nucléaires et même des voitures électriques. Or, justement, l’Europe a aujourd’hui peur d’être inondée de voitures électriques chinoises, raison pour laquelle, elle souhaite mettre en place des droits de douane sur celles-ci, car elle soupçonne ces voitures électriques d’être subventionnées de manière déloyale par le gouvernement chinois. Mais, et c’est là où j’en reviens au fait que les Chinois nous connaissent mieux que nous les connaissons. Pas plus tard que cette semaine, Pékin a rétorqué aux menaces de la Commission européenne en brandissant – eux aussi – l’arme d’une enquête anti-subvention sur les produits laitiers européens et en particulier les fromages européens.

Avouez que c’est quelque part cocasse de voir les agriculteurs européens être les potentielles victimes collatérales de la bataille commerciale autour des voitures électriques. Quoi de plus logique d’ailleurs, car les Chinois ont compris que les produits laitiers sont des produits stratégiques pour l’Europe. Notamment les fromages, des produits qui ne peuvent pas être stockés et sur lesquels l’impact des mesures douanières est immédiat !

Par ailleurs, les Chinois savent aussi que les agriculteurs européens sont bien organisés, qu’ils savent faire entendre leur voix et bloquer les routes et villes européennes quand il le faut. La crise agricole de début 2024 est encore dans toute les mémoires, y compris celles de nos amis chinois.

Et donc, mesurez avez moi, l’évolution de la Chine en 20 ou 30 ans. A l’époque, un haut fonctionnaire européen leur disait de manière condescendante qu’il fallait bien qu’on les laisse nous vendre des tee-shirts si nous voulions leur vendre des avions Airbus. Et aujourd’hui, revers de la médaille, ce sont eux qui menacent de boycotter nos exportations de fromage, car nous avons peur de leurs voitures électriques. Si ça, ce n’est pas un pied de nez historique, je ne sais pas ce que c’est alors.

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