Eddy Caekelberghs

Barrage de Kakhovka : à qui profite le crime?

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Qui peut tirer profit de la destruction du barrage de Kakhovka? On le sait, les parties au conflit, à Moscou et à Kiev, s’accusent mutuellement d’y avoir porté le coup fatal.

Quel intérêt pour la Russie? Peut-être celui pour certains responsables militaires de camoufler par inondation les failles du fameux système défensif qu’ils sont censés avoir construit en attendant l’offensive ukrainienne de printemps.

Ainsi, dans un post Telegram repris par la radio Ekho Moskvy (la voix journalistique russe de l’extérieur), le politologue Abbas Gallyamov, ancien plumitif de Poutine, évoque la destruction délibérée de dispositifs défensifs inadéquats: “Si ces fortifications étaient similaires à celles qu’ont rencontrées les Corps des volontaires russes et la Légion Liberté de la Russie lorsqu’ils se sont enfoncés dans la province de Belgorod, tel un couteau dans du beurre, alors c’est une bonne chose de les inonder – pour se dédouaner de toute responsabilité… Lorsque l’eau aura reflué, les généraux de Poutine pourront se retirer sans danger car ils auront un alibi face à la colère de leurs supérieurs (…) L’eau est, du reste, provisoirement du moins, la meilleure protection possible face à un ennemi qui progresse.” L’histoire le vérifiera. Il y a aussi le report immédiat de l’offensive ukrainienne elle-même, offensive qui ne peut en aucun cas prendre le risque de s’embourber.

Nous sommes dans ce cas de figure flou – même si classique – où chaque événement voit sa vérité factuelle instrumentalisée par chaque camp en présence.

En Pologne, d’autres échos médiatiques évoquent un dérapage dans un plan plus ciblé. Ainsi Onet, le plus grand portail internet polonais, s’étonne du chaos informationnel côté russe: “De prime abord, tout cela ressemble à une tentative des Russes de reprendre l’initiative. Dans la nuit, des missiles russes se sont abattus sur Kiev et Kharkiv. Le lendemain, (l’agence de renseignement russe) FSB a mis en garde contre une volonté présumée des Ukrainiens de recourir à une bombe sale.

Chaos informationnel chez les Russes

Le sabotage du barrage pourrait donc s’inscrire dans le cadre d’une opération plus vaste. Mais dès le départ, la couverture de l’évènement par les Russes a été chaotique, ce qui pourrait signifier qu’ils ont été pris de court… Ce chaos informationnel pourrait indiquer que les Russes, dans le cadre d’une ‘frappe de précision’, entendaient seulement faire sauter une partie de la retenue afin d’inonder les îles situées à l’embouchure du Dniepr où sont stationnées des troupes ukrainiennes. Mais les choses ne se seraient pas passées comme prévu.”

En fait, “les deux belligérants pourraient tirer un avantage de la rupture du barrage”, fait valoir le journal Oberösterreichische Nachrichten en Autriche: “Et comme toujours dans cette guerre, personne ne veut assumer la responsabilité de l’acte commis. Pour savoir la vérité, on en est donc réduit à sonder des plausibilités. L’avantage pour la Russie, par exemple, c’est que l’Ukraine soit contrainte de reporter sa grande offensive, de par la nécessité de remédier aux dégâts. L’Ukraine, pour sa part, pourrait se réjouir de la remise en cause de l’approvisionnement de la Crimée occupée en eau potable, ce qui constituerait une défaite sensible pour le Kremlin.”

En fait nous sommes dans ce cas de figure flou – même si classique – où chaque événement voit sa vérité factuelle instrumentalisée par chaque camp en présence. Une chose est certaine: la catastrophe écologique, elle, est bien réelle. Tout comme la détresse physique et sociale des populations déplacées par les inondations. Quant à la vérité sur les responsabilités, elle fera partie de l’histoire. L’histoire qui s’écrira un jour… par le vainqueur. S’il y en a jamais un.

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