Lire la chronique d' Amid Faljaoui
Banquiers belges, cocufiés et forcés au silence
J’adore observer la campagne électorale en ce moment, car elle démontre que la Belgique mérite notre réputation de pays du surréalisme. Vous n’avez qu’à en juger vous-même…
Alors que nous devons faire des économies de 30 milliards d’euros en 7 ans à peine, que font nos parties pour nous inciter à voter pour eux ? Les uns proposent un salaire minimum de 2.800 euros sans vraiment nous dire comment ils vont le financer, d’autres enrôlent d’anciens dirigeants d’entreprise dans leur liste électorale pour faire les yeux doux aux électeurs du centre droit, d’autres, plus cyniques, mettent en bonne position une ancienne miss Belgique pour récolter des voix.
Quant à notre ministre des Finances, lui, c’est le plus fort de tous : il se sert des deniers publics fédéraux pour faire sa campagne électorale en Flandre. Il a compris que le Belge adore les placements rentables et de préférence défiscalisés. Il avait tenté son coup en septembre de l’année dernière avec le lancement d’un bon d’État défiscalisé à 50% et il avait récolté (à son propre étonnement) 22 milliards d’euros, qui sont partis des coffres des banques vers les comptes de l’État. Tout le monde était content ! D’abord notre ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, car il avait réussi à donner une claque à ces « méchants » banquiers qui, d’après lui, refusaient de rémunérer correctement les comptes d’épargne des Belges. Quant aux citoyens, surtout les plus aisés, ils étaient aux anges d’avoir un rendement intéressant notamment parce qu’il n’était taxé qu’à 50% de ce qu’il aurait dû être. Les seuls à avoir râlé, ce sont les banquiers, mais personne ne les a écoutés, car leur argumentation est inaudible pour le commun des mortels.
Et c’est reparti ! Si un chef cuisinier découvre que sa nouvelle recette plaît à ses clients, que fait-il selon vous ? Bravo, oui, il remet le couvert. Donc, nous avons tous appris que notre ministre des Finances va lancer deux nouveaux bons d’Etat : le premier en mars devrait récolter 6 milliards d’euros et le second, en juin, en plein mois électoral, devrait lui récolter 5 milliards d’euros.
Difficile de ne pas voir des arrière-pensées électoralistes quand on regarde le timing de ces bons d’État. D’ailleurs, sans trop le crier sur tous les toits, car cela serait mal perçu par les citoyens, certains partis de la majorité reconnaissent que notre ministre des Finances fait campagne aux frais du trésor public. Et cela marche, car selon les sondages, l’image du CD&V, le parti politique de notre ministre des Finances s’est amélioré auprès des électeurs flamands.
Il est malin notre ministre des Finances, car il va apparaître à nouveau comme le Robin des Bois des temps modernes à l’égard des banques. Et les banques sont très mal prises, que peuvent-elles faire ? Parler de distorsion de concurrence, car le bon d’État n’est taxé qu’à 50% alors que les produits bancaires similaires sont taxés à 100% ? Qui va les écouter alors que semaine après semaine, les banques dévoilent leurs résultats et que les profits ne sont pas seulement exceptionnels, ils sont souvent historiques !
Et même si les finances publiques de la Belgique n’ont pas besoin de l’argent récolté par ces deux nouveaux bons d’État, Vincent Van Peteghem démontre que la Belgique est vraiment le pays du surréalisme. C’est le seul pays du monde à laisser un ministre utiliser le levier des finances publiques pour décrocher un succès électoral personnel. Voici donc un ministre des finances flamand mais occupant un poste fédéral qui va aussi récolter de l’argent francophone et qu’il utilisera pour être réélu en Flandre. On a beau nous critiquer, nous sommes quand même plus forts que tous les autres : champions du monde, qui dit mieux ?
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