Olivier Mouton

Arizona : une bonne nouvelle et des contradictions

Olivier Mouton Chef news

La naissance de l’Arizona est une bonne nouvelle pour la Belgique. Après huit mois de palabres, le pays dispose d’une équipe pour le diriger en ces temps difficiles. Enfin ! Un budget à remettre sur les rails, 23 milliards à trouver, des réformes impérieuses (travail, pensions, fiscalité), la compétitivité bousculée, un contexte géopolitique ultra-tendu, etc. : n’en jetez plus ! Il eût été incompréhensible que les cinq partenaires (N-VA, MR, Engagés, Vooruit, cd&v) n’aboutissent pas. Cette fumée blanche délivre le pays. L’heure de la responsabilité est arrivée.

La composition de l’Arizona est incontestable. Ces partis ont remporté les élections et les deux ailes linguistiques de la majorité reflètent les gouvernements des entités fédérées. “Pour la première fois depuis 16 ans, précise le préambule de l’accord, il y a une majorité au Nord comme au Sud. Notre ambition est de mettre à profit ce large soutien et de relever les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés de la manière la plus décisive qui soit.” Il reste à concrétiser cette ambition. Ce n’est pas gagné.

Le premier bémol vient de la composition de l’équipe. Le vœu avait été formulé de faire “monter” tous les présidents de parti au sein du gouvernement. Finalement, à part Bart De Wever (N-VA) et Maxime Prévot (Les Engagés), il n’en est rien. Georges-Louis Bouchez (MR) était tenté, mais n’a pas osé le cumul avec un super-ministère de la Sécurité. Le risque d’une “participopposition”, qui a paralysé la Vivaldi, n’est pas écarté. D’autant que son premier adversaire, Conner Rousseau (Vooruit), est lui aussi en dehors. Le bras de fer de la négociation risque de se prolonger.

Bart De Wever taira-t-il ses désirs historiques d’autonomie flamande ? C’est une clé. “La réforme la plus communautaire que vous puissiez faire est de limiter le chômage dans le temps”, justifie-t-il à la télé flamande. Le ver communautaire n’est-il toutefois pas dans le fruit ? Le locataire du Seize va préparer une grande réforme de l’État et plusieurs compétences vont être dépecées. “Mais les temps ont changé, la Flandre a retenu la leçon de la révolution indépendantiste manquée en Catalogne, qui faisait fuir les entreprises, et a pris acte que la Wallonie a basculé à droite”, tempère Jean Hindriks (UCLouvain). À vérifier.

Pour assainir et relancer le pays, Bart De Wever devra faire preuve de détermination. Deviendra-t-il, au fond, celui qui aime la Belgique plus que quiconque ?

Le second bémol vient de l’ambition revue à la baisse des réformes annoncées. Et des paradoxes contenus au sein du compromis. “On peut l’appeler le gouvernement des contradictions, résume l’économiste Ivan Van de Cloot, ancien d’Itinera et fondateur du think-tank Stichting Merito. Premièrement, l’accord dit vouloir stimuler l’entrepreneuriat et le capital à risque, mais introduit une taxe sur les plus-values. Deuxièmement, il est question d’augmenter le taux d’emploi à 80%, mais il maintient l’indexation des salaires qui coûte énormément d’emplois.” Le fruit d’un compromis, forcé par Vooruit.

Les contradictions internes à la coalition, ainsi que le fossé entre promesses et concrétisations, se retrouvent dans la réforme fiscale. Comme toujours en Belgique, la montagne accouche d’une souris. La volonté d’un tax cut et d’un big bang de 10 milliards d’euros ? Oubliés. Les modalités même de la “contribution de solidarité” – appellation pudique de la taxation sur les plus-values – vont faire l’objet de nombreuses délibérations, tant le flou reste. Là aussi, cela va grincer.

Bart Ier entame son règne avec l’ombre de Georges-Louis Bouchez et de Conner Rousseau dans son dos. Pour assainir et relancer le pays, il devra faire preuve de détermination. Deviendra-t-il, au fond, celui qui aime la Belgique plus que quiconque ?

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