Eddy Caekelberghs

Argentine : un prestidigitateur, Milei, et un parrain, Trump

Eddy Caekelberghs Journaliste à La Première (RTBF)

Buenos Aires bruisse de l’euphorie étrange d’un pays qui, entre deux crises et trois hyperinflations, a trouvé son prestidigitateur : Javier Milei. Et un parrain: Donald Trump ! Sa victoire, aux législatives de mi-mandat, aura eu l’effet d’un électrochoc : un peu plus de 40% des voix, une “vague violette” libérale submergeant le vieux bastion péroniste avec la même délicatesse qu’une tondeuse à gazon dans un jardin de roses. Les marchés internationaux, eux, ne s’émeuvent que quand la Bourse argentine bondit de 20% ou que le dollar fait des pirouettes contre le peso.

Derrière les flonflons du populisme revu à la sauce libertarienne, un parfum discret de lobbies américains flotte autour des urnes : promesse d’une aide colossale de 40 milliards – dont 20 milliards pour “stabiliser” la devise et 20 autres pour des prêts privés savamment formatés. Il est loin le tango, désormais remixé avec la guitare de Nashville et la caisse enregistreuse de Goldman Sachs !

Mais dans la rue, la farce tourne vite à la tragi-comédie : Milei distribue ses promesses sans lendemains, tranche dans l’emploi public et réinvente la flexibilité – comprendre “plus de flexibilité, moins de sécurité”. Chaque réforme lancée à la trottinette fait sourire Wall Street, chaque privatisation annoncée semble donner à Manhattan le droit de vote à l’Assemblée nationale argentine.

La presse argentine n’ose plus compter les emplois supprimés, préférant analyser les taux d’emprunt, de chômage et d’appréciation du peso comme autant de craquements d’une vieille bâtisse économique, où la seule rénovation consiste à installer de nouveaux tourniquets à l’aéroport pour accélérer l’exil des jeunes diplômés. L’opposition s’agite, invoque Perón, brandit les reliques du nationalisme – mais face à l’enthousiasme à crédit d’un électorat lassé par la stagnation, elle paraît aussi audacieuse qu’un vendeur de parapluies lors d’une tempête de billets verts. Et puis, n’oublions pas le décor international. Washington fait la pluie et le beau temps sur le succès argentin, maquille l’ingérence en “partenariat stratégique”, et surveille l’austérité en Big Brother.

Les analystes parient : l’Argentine, laboratoire à ciel ouvert du rêve américain, offrira à la finance mondialisée un espace de test grandeur nature, avec l’inflation sous monitoring et la dette sous perfusion. Milei encaisse les félicitations et riposte à toute critique par une citation de Jean-Baptiste Say ou d’Ayn Rand – histoire de rappeler que la vraie révolution porte l’accent texan et le brushing libertarien.

En 2025, les miracles argentins sont fabriqués à Washington, estampillés Wall Street, et commercialisés avec la bénédiction de Trump.

Pour la population, le réveil est brutal. Après le bal électoral, on découvre que les prix flambent, que les universités rationnent la lumière pour payer la facture, et que la fête nationale se finance en crowdfunding. Pourtant, tout le monde ne boude pas son plaisir : la Bourse bondit, le taux d’emprunt chute, les investisseurs étrangers trouvent l’avenir plus rose que jamais – à condition que le dernier à quitter le pays éteigne la lumière et prenne un selfie avec Milei, pour le souvenir.

Ma chronique, enfin, se referme sur cette morale d’un capitalisme en roue libre : en 2025, les miracles argentins sont fabriqués à Washington, estampillés Wall Street, et commercialisés avec la bénédiction de Trump. Entre la farce et la tragédie, Buenos Aires danse – mais, prudence, la musique vient des États-Unis, l’orchestre est dirigé par JP Morgan, et les places dans la salle coûtent de plus en plus cher. Rideau sur la surprise électorale : en Argentine, l’avenir s’achète désormais… à la bourse du sarcasme.

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