Amid Faljaoui

Accord de gouvernement en Wallonie : évitons la chasse aux sorcières

Les choses semblent changer en Wallonie. Avec l’accord de gouvernement trouvé entre le MR et Les Engagés, Maxime Prévot et Georges-Louis Bouchez ont prouvé qu’en un mois un accord de gouvernement pouvait être trouvé. La rapidité de cet accord a aussi pour effet de montrer aux citoyens que le changement est déjà là, ne serait-ce que dans la méthode ; c’est une manière de marquer les esprits.

L’autre manière de marquer les esprits, ce sont les mots utilisés par les deux hommes forts de ce nouveau gouvernement : transformation et changement sont des mots qui ont été souvent prononcés par l’un et l’autre au cours de la conférence de presse. L’idée là aussi, c’est de montrer la rupture avec les politiques du passé. En soi, c’est déjà remarquable pour le MR car ce parti a réussi par la grâce de la communication de Georges-Louis Bouchez à faire croire aux électeurs qu’il était dans l’opposition alors qu’il a « cogouverné avec les politiques du passé » comme il les nomme à présent.

Je ne vais pas passer en revue les 200 pages de cet accord gouvernemental, votre quotidien préféré le fait aujourd’hui pour vous. En revanche, comme n’importe quel manager d’entreprise, les nouveaux dirigeants de la Wallonie doivent aussi se garder d’entrer dans une chasse aux sorcières. Lorsque j’étais plus jeune, je lisais les livres d’Alain Duhamel, politologue bien connu en France, et je comprenais mieux les batailles que se livraient Mitterrand et Chirac pour la nomination de tel ou tel haut fonctionnaire à tel poste. Vu de loin, cela ressemblait à une bataille de chiffonnier, mais en réalité, ces nominations étaient cruciales.

Car comme l’expliquait bien Alain Duhamel, à quoi sert-il de prendre une décision politique, si au niveau de l’administration, cela ne suit pas ou pire encore, si cette administration bloque les réformes envisagées. Et donc, oui, il y a un gouvernement MR et Engagés qui va donner les orientations, mais au niveau de l’administration, et notamment dans les plus hauts postes, on retrouve pas mal de personnes étiquetées socialistes. L’erreur à ne pas faire serait de hérisser ces personnes ou de les déstabiliser en remettant en cause – a priori – leur loyauté.

N’importe quel CEO d’entreprise vous dira que c’est une erreur de critiquer le staff en place, ce qu’il faut, c’est le convaincre du changement et de le faire adhérer à la nouvelle stratégie du CEO. Or, quand j’entends, avec mes grandes oreilles d’homme de média, que nos deux dirigeants politiques n’ont pas hésité à critiquer en public – lors de leurs auditions – un acteur important du tissu économique wallon, je m’interroge. Secouer la Wallonie, c’est nécessaire et personne ne remet en cause cette volonté de secouer le cocotier, mais chacun sait aussi que les éloges doivent être faits en public et les critiques en privé.

Bref, ce savon en public était une erreur de débutant. Encore une fois, un plan gouvernemental ambitieux de 200 pages ne pourra entrer en vigueur que si les fonctionnaires qui devront le mettre en exécution se sentent eux aussi concernés, adoubés et respectés. Les militaires le savent bien : les amateurs parlent de stratégie, les vrais experts parlent d’opérationnel. Et l’opérationnel, c’est tout sauf la chasse aux sorcières.

Sur ce, je vous remercie pour votre fidèle écoute et vous retrouve avec grand plaisir le lundi 19 août – passez d’excellentes vacances.

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